28/03/2023
L’Italie réclamait ces dix activistes pour leur implication dans des faits à caractère terroriste, commis lors des «années de plomb».
La Cour de cassation a confirmé mardi 28 mars le refus d’extrader dix anciens militants italiens d’extrême gauche installés en France depuis plusieurs décennies et réclamés par Rome pour des faits qualifiés de terrorisme commis lors des «années de plomb», a-t-elle annoncé dans un communiqué.
La plus haute juridiction de l’ordre judiciaire valide ainsi définitivement la décision de la cour d’appel de Paris, qui s’était opposée en juin 2022 à la remise à l’Italie de ces deux femmes et huit hommes. La cour d’appel avait appuyé sa décision sur le respect du droit à la vie privée et familiale ainsi que sur le droit à un procès équitable, prévus par les articles 8 et 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
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12/07/2022
Les terroristes d’extrême-gauche des Brigades rouges empoisonnent toujours les relations entre la France et l’Italie : “Du côté français, on a une vision romantique de la lutte armée”
La justice française s’est opposée fin juin à l’extradition de dix anciens activistes italiens d’extrême gauche, notamment des Brigades rouges, réclamés par l’Italie pour leur rôle pendant les “années de plomb”. Ce dossier empoisonne les relations entre les deux pays depuis quarante ans.
En 1978, le chef de la Démocratie chrétienne italienne Aldo Moro était enlevé, puis assassiné par les Brigades rouges. Cet événement a marqué la fin d’une quinzaine d’années d’actes terroristes en Italie, les fameuses “années de plomb”, entre la fin des années 1960 et le début des années 1980.
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Au printemps 2021, après des mois de tractations, le président français Emmanuel Macron avait décidé de favoriser la mise à exécution des demandes d’extradition de deux femmes et huit hommes, installés en France depuis plus de trente ans. Ces dix militants, âgés aujourd’hui de 61 à 78 ans, sont réclamés par l’Italie.
Ils ont tous été condamnés, souvent par contumace, à des peines très lourdes, parfois même à perpétuité, pour tentative d’enlèvement, participation à des meurtres de policiers, de magistrats ou de chefs d’entreprise dans les années 1970-1980.
La “doctrine Mitterrand”
Tous se croyaient pourtant protégés par la “doctrine Mitterrand”. Le président socialiste français François Mitterrand (1981-1995) s’était en effet engagé à ne pas extrader les anciens activistes ayant rompu avec leur passé.
“Quand François Mitterrand a mené sa campagne pour le présidentielle en 1980, il a proposé, dans plusieurs discours, d’accueillir les anciens terroristes italiens des années 1970, notamment les Brigades rouges. En échange, ils devaient déposer les armes, renoncer à la violence et se faire discrets. (…) Il s’agit de paroles données qui n’ont jamais été formalisées, mais qui ont été suivies par ses successeurs”, résume Grégoire le Quang, maître de conférence en histoire contemporaine à l’Institut catholique de Paris, lundi dans l’émission de la RTS Tout un monde.
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Mais, fin juin, la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris a rendu un avis défavorable à leur remise à l’Italie, en s’appuyant sur le respect du droit à la vie privée et familiale et sur le respect du droit à un procès équitable, citant la Convention européenne des droits de l’Homme.
“La doctrine Mitterrand a eu un rôle de conciliation”, estime Ludmila Acone, historienne spécialiste de l’Italie. “Tous ceux qui s’y sont pliés ont déposé les armes. Il faut placer tout cela dans un contexte historique. Il y a une longue tradition, pas seulement en Italie, de contestations, y compris avec des attentats.”
“Vision romantique” des années de plomb
Mais Grégoire le Quanq nuance: “Du côté français, on a parfois une vision romantique de la lutte armée italienne, en disant que l’Etat avait, lui aussi, haussé le niveau de l’affrontement. Tout cela passe sous silence le fait que les groupes, notamment les Brigades rouges et Prima Linea, ont cherché à déclencher une guerre civile à travers des assassinats ciblés qui étaient aussi pensés pour mobiliser le prolétariat.”
Selon le maître de conférence en histoire contemporaine, cela n’a pas fonctionné. “Au cours des années 1970, plus les crimes ont été violents et spectaculaires, plus la classe ouvrière s’est détachée des groupes terroristes. C’est la raison pour laquelle ces demandes d’extradition font consensus dans l’opinion publique italienne.”
La vox populi s’est renforcée à la suite du refus de la Cour d’appel de Paris d’extrader ces anciens militants, ex-terroristes. Les journaux italiens, de gauche comme de droite, ont très mal pris la décision de la justice française. “Il y a toujours eu un préjudice envers le système judiciaire italien, une méfiance qui a ensuite permis à tous les expatriés, à tous les fugitifs italiens, qui pendant vingt à trente ans ont trouvé refuge en France, d’alimenter et de rendre populaire une narration sur les années de plomb et sur la période de terrorisme en Italie, qui n’a aucun fondement. Ces personnes n’ont rien de révolutionnaire”, souligne Carlo Bonini, vice-directeur du journal “La Repubblica”.