Cela fait trois semaines, en pleine grève des éboueurs, que Lina, Élisabeth, Isilda, Katia et soixante-trois collègues se cassent le dos à rentrer et sortir « en urgence » des monticules de sacs-poubelles entre la cour de leur immeuble et la rue, au gré de l’arrivée des cortèges et des casseurs. Jeudi dernier, lors des débordements à l’issue de la manifestation contre la réforme des retraites qui ont embrasé les rues du quartier de l’Opéra à Paris, ces femmes — et ces quelques hommes — « invisibles » ont été une « force vive », en deuxième rideau, au cœur des évènements. « On se sent toutes et tous responsables de nos immeubles », souffle Katia.
Armée de tuyaux d’arrosage et de seaux d’eau, la bande de gardiennes a éteint les feux de poubelle au beau milieu des émeutiers pour protéger les façades des bâtiments. « Les casseurs, le genre petits blancs du XVIe, nous insultaient. Rentre chez toi, sale p… ». Elles ont mis à l’abri, dans les halls de leurs immeubles, des passants piégés. « On s’est fait gazer par les casseurs ».