02/04/23
Le pays, en proie déjà à une grave crise du logement, subit une explosion du nombre de demandeurs d’asile. Dans la rue, les manifestations d’opposants à l’accueil des migrants se multiplient.
L’Irlande assiste depuis plusieurs mois à une «hausse exponentielle» du nombre et de la fréquence des manifestations : c’est le constat que faisait en février le chef de la Garda Síochána, la police irlandaise. En seulement deux mois, les autorités ont recensé 115 rassemblements, contre 30 à la même période l’année précédente. Et si les Irlandais s’agitent trois fois plus qu’à l’accoutumée, c’est essentiellement parce que la politique migratoire du pays est devenue un sujet hautement inflammable : en ce début d’année, la majeure partie des manifestations visaient à «exprimer une hostilité à l’accueil de migrants», selon le commissaire Drew Harris qui s’attend à des manifestations «toujours plus nombreuses» à l’avenir, compte tenu de «l’affluence grandissante» qu’elles agrègent. La Garda alertait à cette occasion sur les moyens considérables que ces rassemblements exigent, d’autant plus que les manifestants se font fréquemment face, entre opposants à l’accueil massif de réfugiés d’un côté et partisans d’une politique d’accueil généreuse de l’autre.
(…) Au demeurant, et peut-être à cause aussi de rumeurs (présentées comme douteuses par la presse irlandaise) d’agressions sexuelles commises par des migrants, ce sont les femmes irlandaises qui ont la plus mauvaise opinion de cette arrivée massive de demandeurs d’asile. Seules 38 % d’entre elles soutiennent la construction de nouveaux centres d’accueil, contre 55 % des hommes. Ce sont elles qui en majorité viennent manifester aux abords des lieux où sont logés les migrants. Ces manifestations rassemblent d’ailleurs des personnes majoritairement issues des couches populaires, celles qui vivent dans les quartiers où les demandeurs d’asile sont placés ; face à eux, les contre-manifestants qui militent pour un accueil plus large des réfugiés ou qui dénoncent une montée de la xénophobie viennent des catégories aisées.
29/03/23
Les rassemblements anti-migrants se sont multipliés, depuis le début de l’année, à Dublin et dans de petites villes de l’île d’Émeraude. Dans le même temps, le gouvernement irlandais a annoncé que les structures d’accueil pour demandeurs d’asile étaient saturées et que le pays, qui traverse actuellement une grave crise du logement, ne pourrait plus héberger les nouveaux arrivants.
Ce sont des hashtags qui prennent de l’ampleur sur les réseaux sociaux : #irishlivesmatter (les vies irlandaises comptent) ou #Irelandisfull (l’Irlande est pleine à craquer). Depuis le début de l’année, l’hostilité envers les réfugiés gagne du terrain à Dublin comme dans de nombreuses autres villes d’Irlande.
[…]Selon Courrier International, les manifestations de ce genre, jusque là rares, se multiplient en Irlande. Déjà plus de 60 rassemblements ont eu lieu depuis début 2023. Pour ne rien arranger, des rumeurs de violences et de sévices sexuels commis par des réfugiés sur des Irlandais ont participé à mettre le feu aux poudres. Le 7 février, à Dublin, plus de 2 000 personnes sont descendues dans la rue sous le slogan : “L’Irlande est pleine à craquer”.
Hausse des demandes d’asile et crise du logement
En 2022, le pays a reçu au total un peu plus de 13 000 demandes d’asile en plus des 70 000 réfugiés ukrainiens – contre 2 700 dossiers au total en 2021. “Il y a eu une hausse du nombre de demandeurs d’asile non ukrainiens qui ont profité de la vague de sympathie envers les Ukrainiens pour entrer dans le pays”, écrit Courrier international. Et à l’heure où le pays traverse une grave crise du logement, avec des loyers qui ne cessent de grimper, cette hausse des arrivées de migrants passe mal auprès d’une partie de la population.
L’été dernier, des parlementaires s’inquiétaient déjà des conséquences de cette crise de l’habitat sur les réfugiés. “Le constat est que la capacité de l’Irlande à fournir ne serait-ce que le strict minimum en termes d’hébergement d’urgence à ses propres citoyens et à ceux qui fuient la guerre est gravement compromise”, avait déclaré Carol Nolan, une députée indépendante.
Au mois de janvier, le gouvernement irlandais a annoncé que les structures d’accueil du pays étaient arrivées à saturation. Et que les nouveaux demandeurs d’asile seraient logés… à la rue.
[…]Ne pas “prendre pour argent comptant les arguments de l’extrême-droite”
Pour autant, le pays ne plonge pas dans une xénophobie générale, souligne la journaliste irlandaise Naomi O’Leary dans un article du Irish Times. Ces rassemblements anti-migrants émanent d’“un sentiment d’urgence et de crise”, alimenté par “une minorité bruyante qui emprunte les tactiques d’agitation éprouvées ailleurs sur le continent [européen]”. Le piège, poursuit la journaliste dublinoise, “serait de prendre pour argent comptant l’argument de l’extrême droite selon lequel leurs opinions seraient partagées par une majorité silencieuse. Même en période de tension majeure autour de la migration en Europe, des enquêtes […] ont montré que de fortes majorités de gens étaient en faveur de l’accueil de réfugiés fuyant la guerre et la violence”.
À Dublin, entre 20 000 et 50 000 personnes ont d’ailleurs défilé contre le racisme et en faveur d’une “Irlande pour tous”, samedi 18 février – soit 10 fois plus que pour la manifestation anti-réfugiés du 7 février. “Les immigrés sont une partie essentielle du talent qui nous sert”, peut-on lire dans un autre article du Irish Times. “Dans un pays qui vieillit plus vite qu’il ne procrée, chaque immigré en âge de travailler est un précieux créateur de richesse”.
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