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Première partie de la fiche de lecture de Michèle Tribalat.

Deuxième partie de la fiche de lecture.

François Héran découvre enfin que l’immigration a augmenté avec le 21ème siècle

Le professeur au Collège de France présente un graphique (figure 1 page 25) traçant l’évolution du nombre et de la proportion d’immigrés de 1851 à 2021 en renvoyant à une série de tableaux rétrospectifs dans lesquels c’est seulement à partir de 1911 que l’Insee a pu répercuter la définition de l’immigré à laquelle il s’est rangé dans les années 1990. Cette reconstitution a d’ailleurs fait l’objet d’une première publication par l’Insee en 1996[6]. Pour les années antérieures, ne figurent que la distinction entre Français de naissance, Français par acquisition et étrangers. Je ne sais donc pas dire d’où viennent les chiffres antérieurs à 1911 qu’il utilise.

La bonne nouvelle c’est que François Héran s’est enfin aperçu que l’immigration avait fortement augmenté avec le 21ème siècle, après s’être accrue très mollement pendant le dernier quart du siècle précédent au point que la proportion d’immigrés est restée ces années-là autour de 7,4 % en France métropolitaine. Tournant sa veste, il parle désormais d’une « longue stagnation » de 1975 à 1999.

Il aborde aussi l’évolution de l’immigration à travers le « taux moyen de croissance annuelle » du nombre d’immigrés. Pour les années postérieures à 2004, il commente l’évolution ainsi : « chose remarquable, la courbe est peu sensible aux césures politiques : elle n’a cessé de grimper d’un quinquennat à l’autre » (p. 27). Ce qui est une manière de garder un peu de cohérence avec ses précédents écrits dans lesquels il accablait Nicolas Sarkozy et le candidat à la présidentielle François Fillon. C’est pourtant faux. Même en prenant le taux qu’il préconise de retenir, ce n’est pas ce que l’on constate. Le nombre d’immigrés s’est accru en moyenne de +1,70 % par an sous Nicolas Sarkozy, de +2,17 % sous François Hollande en France hors Mayotte[7] et de +1,94 % au cours des quatre premières années de la présidence Macron[8], marquées par la pandémie de 2020. Quant à la proportion d’immigrés, elle a augmenté en moyenne par an de +1,19 % sous Nicolas Sarkozy, de 1,76 % sous François Hollande (France hors Mayotte) et de 1,62 % au cours des quatre premières années du mandat d’Emmanuel Macron.

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Le fantasme de l’appel d’air

François Héran est très dur avec ceux qui recourent à la métaphore de l’appel d’air que pourrait susciter toute mesure ouvertement favorable à l’immigration. Ainsi, Angela, Merkel aurait-elle été accusée, bien à tort, d’avoir alimenté un « appel d’air » après avoir annoncé qu’elle ne tiendrait pas compte du 1er pays d’entrée dans le traitement des demandes d’asile et que l’Allemagne y arriverait (« Wir schaffen das »). Cependant, comme le signale le professeur au Collège de France, l’annonce de l’abandon de la règle du 1er pays d’entrée « devint virale chez les exilés connectés » (p.46). Très logiquement, les candidats à l’exil se sont précipités en Allemagne qui leur assurait ainsi un traitement spécial. Sans compter ceux qui y étaient déjà et pouvaient témoigner auprès d’eux de l’accueil sans réserve de ce pays. Cela ressemble étrangement à un appel d’air !


«Nous pensons que l’immigration fait partie de la France et des Français depuis toujours. L’immigration est un fait, qui fait aussi la France – qui a fait son passé et qui fera aussi son avenir. Il ne sert à rien d’être contre. Que veut dire être contre le mouvement des hommes et de la terre ? » : cette phrase de Gérald Darmanin, prononcée le 6 décembre 2022 à l’Assemblée nationale, a été choisie par le démographe François Héran en exergue de son dernier livre. Elle aurait pu aussi bien figurer en quatrième de couverture tant elle résume à merveille la thèse de l’auteur. Immigration: le grand déni (Seuil) aurait pu aussi être sous-titré par une autre saillie bien connue de notre ministre de l’Intérieur: «Ça va bien se passer.»

Le «grand déni» ne désigne pas en effet sous la plume de François Héran le refus par la gauche de voir les problèmes soulevés par une immigration massive et incontrôlée, mais le refus par la droite d’accepter l’immigration comme un fait social inéluctable, et d’ailleurs positif et sans dangers véritables pour notre avenir. Le professeur au Collège de France ne fait pas partie de ceux qui nient l’importance de l’immigration. Il sait compter, c’est son métier. On ne discutera donc pas des chiffres présentés dans ce livre, qui sont même plus élevés que ceux donnés par l’Insee, puisque Héran majore les 7 millions d’immigrés identifiés au 1er janvier 2022 de 1 million de personnes en situation irrégulière pour aboutir à «11 % à 12 %» de la population française.

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«Il est démontré, disait-il, que les choses ne peuvent être autrement. (…) Remarquez bien que les nez ont été faits pour porter des lunettes, aussi avons-nous des lunettes», dit Pangloss à Candide. Les migrants sont faits pour migrer, nous dit François Héran, le Pangloss de la démographie. À moins qu’il ne soit le Margaret Thatcher de l’immigrationnisme: «There is no alternative.» Derrière cette assertion se cache plus qu’une simple résignation: une vision progressiste de l’histoire qui tient la mobilité indéfinie des hommes comme l’horizon de l’humanité et nie le caractère tragique des confrontations culturelles. Ceux qui s’en inquiètent ne sont que des «adorateurs du temps immobiles». «L’immigration en France n’est pas une intrusion massive, mais une infusion durable», écrit-il. Une verveine que les peuples doivent boire et qu’ils ont toujours bue puisque les frontières de l’identité nationale ont toujours été mobiles. La France a toujours été un patchwork de populations, qui hier unissait les Bretons, les Basques et les Lorrains et qui demain fera des Maghrébins et des Subsahariens comme des parts constitutives de son identité culturelle Pour appuyer sa démonstration, Héran convoque même la tour Eiffel, la «pétition des artistes contre ce pylône de métal» prouve qu’il existait déjà au XIX siècle «des publicistes et des politiciens pour exploiter la peur du remplacement».

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Le Figaro

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