Le rapport de la commission d’enquête parlementaire
(…) «Le récit qui s’est reconstitué devant nous, c’est bien le récit d’une lente dérive, d’une divagation politique, souvent inconsciente et inconséquente, qui nous a éloignés et de la transition écologique et de notre souveraineté énergétique».
Le rapport de la Commission réunie sous la présidence du député LR Raphaël Schellenberger, dont la constitution a été décidée à l’automne avant un hiver énergétique qui s’annonçait plus terrible qu’il ne l’a finalement été, reconstitue en 372 pages denses «trois décennies» d’errements. Une «histoire de décisions souvent partielles ou différées, voire contradictoires, pour des raisons parfois compréhensibles quand on se replace dans le climat de l’époque, mais qui ont conduit à des retards coûteux». Et aussi une «histoire de décisions prises à l’envers, sans méthode, sans prospective, aux conséquences lourdes, et qui ne semblaient trouver leur source que dans des maux profonds : l’inconscience et l’électoralisme».
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En effet, le travail de la commission, saluée pour son sérieux, a déjà imprimé sa marque. Les auditions publiques, tout au long de l’hiver, de 88 acteurs et témoins de cette épopée aux airs de tragi-comédie ont souvent laissé le public pantois, devant la révélation des errements, des compromissions politiques, de l’incompétence ou des lâchetés ayant amené le pays à se retrouver, au seuil de l’hiver 2022, contraint d’acheter à prix d’or à ses voisins une électricité qu’il n’était plus capable de produire, tandis que les factures explosaient. Annexées au rapport, les 1 500 pages de retranscription de ces auditions – responsables politiques, hauts fonctionnaires, experts, patrons d’entreprises, syndicalistes… – resteront pour l’Histoire.
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S’il insiste sur les années 2012 à 2017, marquées par la mise en oeuvre d’une politique de décroissance du nucléaire inspirée d’un accord du PS avec les Verts, le rapport n’épargne, selon nos informations, ni les gouvernements de droite qui ont précédé l’élection de François Hollande, ni l’exécutif actuel, dont les décisions, de la fermeture de Fessenheim à l’arrêt du programme de réacteur de quatrième génération Astrid, ont été prises « dans la continuité du quinquennat précédent ». Jusqu’au tournant amorcé en 2022 par Emmanuel Macron, et que les parlementaires espèrent renforcer, en formulant une série de propositions.
Certaines, portées dans son propos introductif par le président LR Raphaël Schellenberger, feront grincer quelques dents, comme la demande d’exiger des ONG participant aux décisions qu’elles soient « représentatives » et « financièrement transparentes », ou la possibilité « d’engager la responsabilité » de ministres qui ne réuniraient pas les instances de consultation scientifiques et techniques officielles – le témoignage de l’ancien haut-commissaire à l’Énergie atomique Yves Bréchet, jamais reçu en six ans de mandat et dont les multiples alertes se sont perdues dans les limbes, avait sidéré les membres de la commission.
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Alors que l’avenir du mix énergétique doit être débattu d’ici à la fin de l’année, le rapport recommande que l’ambition soit portée « sur trente ans, inscrite dans une loi et étayée par la science et par l’industrie », en constatant « le fossé de production qui nous sépare de la souveraineté énergétique ». Cette loi, réclament les députés, devra faire l’objet « d’un suivi étroit et régulier par le Parlement », qui devra de manière générale être davantage associé à l’élaboration des textes, notamment via l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), dont les nombreux rapports alertant de la crise énergétique à venir avaient été négligés.
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Pour accompagner la relance de la filière nucléaire, aujourd’hui plombée de dettes et souffrant d’un lourd déficit de compétences, les députés appellent à un développement massif de moyens, à la fois humains (pour produire les nombreuses études nécessaires à la prolongation du parc de réacteurs ou au développement de l’EPR 2), administratifs et financiers, pour relever les défis et anticiper les besoins futurs. Ils proposent par exemple de « soutenir le renforcement des capacités d’enrichissement de l’uranium sur le territoire français » – une possibilité déjà étudiée par Orano, mais difficile à concrétiser sans appui étatique. Ou de « relancer la construction d’un démonstrateur de type Astrid », d’une puissance potentiellement plus modeste, pour « rattraper le retard accumulé » dans les réacteurs de quatrième génération.
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