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L’éditeur américain de Donjons et Dragons, Wizards of the Coast, égrène ainsi depuis deux ans quelques changements qui seront introduits dans la prochaine édition du jeu. Certaines caractéristiques des races de l’univers D&D passeront ainsi de l’inné à l’acquis. On ne naît plus nain robuste, on le devient. D’autres choix plus symboliques transforment les orcs – des «méchants» historiques communs à de nombreux univers fantastiques – en personnages jouables par défaut – ce qui n’était pas auparavant le cas. Ces évolutions des mécaniques du jeu s’accompagnent d’une refonte de la manière de présenter espèces, cultures et genres. L’une des plus symboliques a été présentée en décembre : l’éditeur a annoncé son intention de supprimer le mot «race» de ses livres, au profit du mot «espèce», jugé moins «problématique».
Ce changement de cap s’amorce à l’été 2020. Dans la foulée du mouvement Black Lives Matter, des critiques fusent sur l’univers de D&D, accusé d’entretenir un racisme systémique. La description traditionnelle des races non humaines n’est effectivement pas sans quelques déterminismes : les hauts elfes sont beaux, les orcs sont simplets et brutaux, etc. «Il y a eu un réveil des consciences aux États-Unis», explique l’auteur et animateur de jeux de rôle Fibre Tigre (Aria, Stars). Le public s’est soudainement demandé pourquoi les elfes noirs sont cruels et méchants, alors que les elfes non-noirs ne le sont pas. Il y a une raison historique, bien sûr, puisque ces choses s’expliquent par l’assimilation de la mythologie nordique par Tolkien puis par les créateurs de D&D ; mais sémantiquement, aujourd’hui, cela ne passe plus.»
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