Retrouvailles
Que le soleil ne se couche pas sur votre colère, conseille saint Paul dans sa Lettre aux Éphésiens. Eric Zemmour et Michel Onfray ont beaucoup dialogué ces dernières années. Ils se sont trouvé des idées communes, des regards communs, des points de divergence, aussi. Et puis la présidentielle est passée par là. Des choses ont été dites, des livres ont été écrits ou préfacés. Leur amitié, qui a toujours fermé les yeux sur quelques chamailleries, risquait cette fois de se trouver sérieusement altérée. On parlait de mépris, d’avilissement ». Il fallait donc écouter le conseil paulinien et reprendre le fil de la conversation. Ce fut chose faite, dans les locaux de Valeurs actuelles. L’échange a duré plus de deux heures. Il fut viril, tonique, toujours courtois. Nous avons choisi de laisser les deux anciens compères parler le plus longuement, le plus librement possible. Les pages qui suivent nous apprennent beaucoup de choses sur l’un, sur l’autre et. bien sûr, sur le sujet essentiel: la France et les Français.
(…)
M. O. : (…) A quoi j’ajoute que le problème, c’est l’universalisation. Je ne suis pas universaliste. Je pense que tous nos problèmes viennent de là. Cette idée que la France dise: « On a pensé pour la planète entière, tout ce qu’on a décidé ici doit marcher jusqu’au fin fond de l’Amazonie. On dit ça au XVIII siècle, il y a des textes terribles au nom de l’universalisme; sur les singes, sur les Noirs, sur les hommes. Des passages terribles chez Condorcet, chez l’abbé Sieves, chez tous ces philosophes des Lumières. Je dis simplement que notre universalisme a fait que nous sommes aujourd’hui dans une logique de culpabilité. Nous avons voulu imposer au monde entier notre civilisation et notre culture, ça nous revient aujourd’hui dans le visage.
Arrêtons avec l’universalisme! C’est au nom de l’universalisme – et au nom d’un certain christianisme dévoyé qu’il nous a fallu aimer nos ennemis. Pourquoi se met-on à vénérer les Allemands qui nous occupent ? Pourquoi est-ce que les mêmes qui ont collaboré avec les nazis ont ensuite collaboré avec le stalinisme ?
(…)
E. Z. Je me suis battu tout seul, en tout cas sans vous. Je me suis battu pour notre civilisation. Maintenant vous me dites que notre problème c’est l’universalisme. Vous avez tout à fait raison! Taine l’explique très bien: notre problème c’est le christianisme dévoyé. Nous avons la prétention de croire que notre civilisation peut se répandre partout et peut être acceptée par tous. C’est faux et nous tombons là sur un os qui s’appelle l’islam. Parce que l’islam est une civilisation puissante, assimilationniste, guerrière, belliqueuse vous le dites vous-même qui ne veut pas se laisser assimiler. C’est bien de dire que c’est de notre faute, de battre notre coulpe. Mais c’est toujours notre coulpe que l’on bat! Et on ne voit pas que, en face, il y a des gens qui ont leur façon de penser, leur volonté de conquête, leur héritage culturel, et qui veulent le propager, le défendre, qui font des enfants pour ça, qui les éduquent dans l’islam, etc. Ce n’est pas suffisant de dire qu’on est faible. Chaque fois vous trouvez des chemins détournés pour ne pas affronter la question qui fâche qui est l’islamisation.
(…)
M. O. : Si à chaque fois que je fais une phrase vous la commentez, ça va être difficile. J’ai écrit le Traité d’athéologie, on me dit aujourd’hui que j’ai bien changé. Non. Je pense exactement la même chose. Dans quelques jours, en librairie, va sortir un livre qui s’appelle Anima, où je dis exactement la même chose. Est-ce qu’on a le droit d’être athée dans cette civilisation? J’appartiens à une civilisation judéo-chrétienne mais je ne suis pas chrétien! Je suis formaté par un christianisme, la chrétienté en l’occurrence, je réagis comme d’autres ont réagi en créant le féminisme, en créant la laïcité, en créant la justice, en allant au-delà de la charité. Je pense qu’il faut arrêter de croire que parce qu’on est dans un univers judéo-chrétien il faudrait, pour défendre la chrétienté, aller à la messe le dimanche. Je peux toujours attaquer le christianisme et défendre la chrétienté!
(…)
M. O. : Je pense que la civilisation est plus en danger avec le transhumanisme qu’avec l’islamisation. Je pense que l’Europe, c’est fini. C’est ça la différence entre nous. Moi je pense que la France c’est fini, c’est ainsi, voilà. On ne restaure pas un paradis perdu.
(…)
E. Z. : Évidemment si on se dit tous comme vous… On m’a tellement reproché mon pessimisme que ça m’amuse de vous voir me traiter d’optimiste! Pourquoi pas, après tout ? Moi aussi je pouvais rester à CNews, j’étais tranquille, je gagnais bien ma vie, j’étais moins insulté, un peu moins, disons. Mais à un moment je me suis dit que je ne pouvais pas laisser ça à mes enfants. Je ne peux pas accepter que ma fille soit un jour voilée, donc j’ai décidé d’aller me battre. C’est tout.
M.O. : Je ne pense pas qu’il y ait à craindre que votre fille soit voilée. En revanche je pense que votre fille aura à gérer des problèmes avec ChatGPT et son monde.
E. Z. : Je ne crois pas. ChatGPT, elle saura régler ça.
(…)
En Lien :
