EXCLUSIF – Le tribunal administratif de Grenoble a annulé les statuts du service des langues de l’université Grenoble-Alpes, rédigés en écriture inclusive, par une décision inédite.
L’université Grenoble-Alpes va devoir réécrire les statuts de son service des langues. Ceux-ci viennent en effet d’être annulés, par une décision du tribunal administratif de Grenoble rendue ce vendredi 11 mai, au motif qu’ils étaient rédigés en écriture inclusive. Cette décision est une première du genre.
Dans une délibération du 16 mai 2020, le conseil d’administration de l’université Grenoble-Alpes avait adopté à l’unanimité (moins une abstention) les statuts du service des langues de l’établissement. Mais le texte avait été rédigé entièrement en écriture inclusive – malgré pourtant la circulaire d’Édouard Philippe, qui enjoignait en 2017 à l’administration et aux services de l’État à ne pas faire usage dans leurs communications officielles de cette graphie supposée promouvoir une langue moins sexiste. Dans ces statuts, il était ainsi écrit que le service est «dirigé par un.e directeur.trice», lequel (ou laquelle, on s’y perd) est «choisi.e parmi les enseignant.e.s chercheurs.re ou les enseignant.e.s en poste», et est de surcroît entouré par «le.la Vice-Président.e formation ou son.a représentant.e»…
Ces statuts ont été attaqués en justice par un professeur agrégé d’anglais de l’université Grenoble-Alpes, qui a notamment fait valoir auprès du tribunal administratif qu’un tel document en écriture inclusive contrevenait à l’article 2 de la Constitution («La langue de la République est le français») ainsi qu’à l’objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d’intelligibilité de la norme, reconnu par la jurisprudence administrative.
(…) Dans cette décision, que Le Figaro a pu consulter, le juge estime que «l’usage d’un tel mode rédactionnel a pour effet de rendre la lecture de ces statuts malaisée alors même qu’aucune nécessité en rapport avec l’objet de ce texte, qui impose, au contraire, sa compréhensibilité immédiate, n’en justifie l’emploi». Le tribunal administratif de Grenoble ajoute que «le degré de clarté attendu d’un texte dépend de ses nature et fonction. Ainsi, le caractère technique et efficient d’un texte juridique impose un niveau de clarté propre à garantir son accessibilité immédiate.» (…)
Une future jurisprudence ?
«C’est – à notre connaissance – la première censure d’un acte administratif en raison de sa rédaction en écriture inclusive, même si le juge administratif avait déjà pu examiner des questions relatives à cette question» commente sur son blog l’avocat Louis le Foyer de Costil, qui estime «audacieuse» la décision du tribunal administratif. Et rappelle que «les annulations prononcées par les juges administratifs en raison de la méconnaissance de l’objectif constitutionnel de ‘clarté et d’intelligibilité de la norme’ sont rarissimes».
Le juge cite des exemples :
« En attestent les exemples suivants : « Lorsqu’un.e représentant.e des personnels perd la qualité au titre de laquelle il.elle a été élu.e ou lorsque son siège devient vacant, il.elle est remplacé.e, pour la durée du mandat restant à courir par le.a candidat.e de la même liste non élu.e venant immédiatement après le.a dernière.e candidat.e élu.e » (premier alinéa de l’article 7) ;
« Le.la Directeur.trice du Service Des Langues est élu.e pour 5 ans au scrutin secret. Il.elle est élu.e au premier tour à la majorité absolue des membres élu.e.s, aux tours suivants, il.elle est élu.e à la majorité relative./ Il ne peut être procédé à plus de trois tours de scrutin au cours d’une même séance en vue de l’élection du.de la Directeur.trice » (premier alinéa de l’article 11)
ou encore
« La séance est présidée par le.la directeur.rice sortant.e. Si ce.cette dernier.ère est candidat.e, la séance est présidée par le.a doyen.ne d’âge élu.e non candidat.e parmi les enseignant.es, enseignant.es chercheur.es et les chercher.es. » (huitième alinéa de l’article 11). »
Il est à noter que les annulations prononcées par les juges administratifs en raison de la méconnaissance de l’objectif constitutionnel de « clarté et d’intelligibilité de la norme » sont rarissimes. C’est en outre -à notre connaissance- la première censure d’un acte administratif en raison de sa rédaction en écriture inclusive, même si le juge administratif avait déjà pu examiner des questions relatives à cette question.
(Merci à Julien.)