15/06/2023
[…]Tout en condamnant fermement les menaces dont le maire de Carnac a été victime et sans porter aucune accusation dans ce dossier, les associations Koun Breizh et Sites & Monuments estiment que toute la lumière doit être faite pour identifier les failles qui ont conduit à la destruction des monolithes et établir les responsabilités de chacun.
À cette fin, l’association Koun Breizh a déposé plainte contre X, plainte à laquelle se joindra Sites & Monuments. Une enquête pénale est désormais ouverte et confiée à la Brigade des recherches de Lorient.
La DRAC affirme aujourd’hui que les éléments mégalithiques détruits n’étaient pas d’un « intérêt archéologique majeur ». Comment tirer de telles conclusions alors que les fouilles de la zone n’ont pas été menées et que lesdits éléments n’ont pu bénéficier de techniques de datation modernes ? Saura-t-on un jour mesurer l’étendue du désastre alors, qu’à quelques mètres de là, se tiennent les menhirs les plus anciens de la façade occidentale, c’est-à-dire le berceau de la civilisation mégalithique ?
Les associations regrettent également que le préfet de Région ne songe qu’à éluder ce dysfonctionnement majeur, n’expliquant pas comment une zone faisant l’objet d’un arrêté préfectoral imposant des fouilles peut se retrouver à la merci du premier constructeur venu.
Koun Breizh et Sites & Monuments demandent par conséquent à Mme la ministre de la Culture de faire toute la lumière sur ce dysfonctionnement majeur en lançant une mission d’inspection administrative.
[…]09/06/2023
[…]Au total, c’est donc un minimum de trente-huit monolithes qui sont identifiés sur le site mais il en existe sans doute d’autres dans la partie non débroussaillée de la file principale et dans les parcelles situées à l’est de la file 2.
[…]2) Intérêt des files de menhirs du Chemin de Montauban
Ces petits menhirs constituaient sans doute l’un des ensembles du genre le plus ancien de France, à en juger par les datations Carbone 14 obtenues en 2010 lors de la fouille de la Z.A de Montauban, à 200 m. Une datation autour de 5480-5320 avant J.-C. laisse penser que les premiers constructeurs de mégalithes n’étaient pas les agriculteurs-éleveurs du Néolithique (qui démarre en Bretagne vers 5000) mais les chasseurs-cueilleurs-pêcheurs du Mésolithique. Une révolution dans la perception de l’évolution des sociétés ! Le site turc de Gobekeli Tepe, classé au Patrimoine mondial, avait commencé à révéler ce phénomène dans les années 1990.
Sur la ZA de Montauban, toute proche, des structures de combustion, sortes de foyers, évoquaient une possible source de richesse à Carnac au temps de la Préhistoire : la production de blocs de sel et de salaisons de poissons, diffusés ensuite en Europe… en contrepartie des précieux objets trouvés dans les tombeaux du Morbihan. Ainsi, ont été découverts dans le tumulus Saint-Michel, à un kilomètre à l’ouest de Montauban (et en co-visibilité), des grandes haches en jade provenant des Alpes italiennes, des perles et pendentifs en « callaïs », sorte de turquoise rapportée d’Andalousie par bateaux.
Le site du Chemin de Montauban était suffisamment important pour figurer dans le dossier de confirmation pour la candidature Unesco/Patrimoine mondial (N° patriarche 56 034 0240)… Dossier adressé au Ministère de la Culture en 2017 et diffusé largement auprès des élus du secteur et des associations carnacoises. En préface de ce document : « Les mégalithes sont notre héritage, nous en sommes dépositaires, responsables. Ils sont une source de prospérité et de richesses, mais nous devons, pour en profiter, assumer les responsabilités qui en découlent » écrit O. Lepick, maire de Carnac et président de l’association Paysages de Mégalithes, porteur du projet de labellisation Unesco.
3) La procédure normale en termes d’archéologie préventive en France
[…]4) Ce qui aurait pu être fait au Chemin de Montauban
[…]08/06/2023
« Du fait du caractère encore incertain et dans tous les cas non majeur des vestiges tels que révélés par le diagnostic, l’atteinte à un site ayant une valeur archéologique n’est pas établie. » C’est l’avis, écrit avec des mots choisis, de la Direction régionale des affaires culturelles de Bretagne, dans un communiqué, envoyé ce mercredi 7 juin dans la soirée, après la découverte de la destruction de 39 menhirs sur la zone du Chemin de Montauban, à Carnac (Morbihan), dans le cadre de la construction d’un Mr Bricolage.
[…]07/06/2023
Yves Coppens doit se retourner dans sa tombe : plusieurs aménagements brutaux ont été réalisés, cet hiver et au printemps, aux abords des alignements de menhirs de Carnac, dénaturant ce site mondialement connu. La course au classement Patrimoine mondial de l’Unesco enivre les élus locaux, soucieux des retombées économiques indirectes plus que de la préservation des sites. Au risque de commettre de nombreuses bévues !
La dernière en date : un permis de construire délivré par le maire de Carnac pour la construction d’un magasin Mr Bricolage, détruisant trente-neuf menhirs figurant sur la liste indicative Unesco.
Un dossier de candidature au Patrimoine mondial de l’Unesco sera remis fin septembre au ministère de la Culture et éventuellement fin janvier 2024 à l’ICOMOS pour instruction. Il concerne 397 mégalithes des rives de Carnac et du Morbihan, répartis sur 27 communes. Il est porté par l’association Paysages de Mégalithes.
Les élus de ce secteur, le département, le CMN se pressent ainsi de construire ou d’aménager à tout va car « après, avec l’Unesco, ce ne sera pas possible ».
[…] […]Contacté, le maire de Carnac, Olivier Lepick indique ne pas avoir été au courant que la zone était référencée, et renvoie vers la Drac. « Le permis de construire est accordé par la mairie et les services de l’État, indique celui qui est également président de Paysages des mégalithes, qui porte le dossier de candidature au patrimoine mondial de l’Unesco. Nous sommes extrêmement attentifs à ce genre de choses, nous regardons les zones de pré-inscription archéologique. Dans ce dossier, de notre côté, nous avons respecté scrupuleusement la législation. »
L’affaire semble en effet complexe. Selon la mairie, la Drac avait placé le site en zone de prescription dans l’ancien Plan d’occupation des sols (POS). Mais pas dans l’actuel Plan local d’urbanisme (PLU).
De son côté, le gérant de la SAS, Stéphane Doriel, veut, lui montrer « sa bonne foi » : « J’ai déposé un permis de construire, qui a été instruit, affiché, qui a purgé les délais de recours. Aucun service, aucun document ne nous a jamais avertis d’une prescription, explique-t-il. Je ne suis pas archéologue, je ne connais pas les menhirs ; des murets, il y en existe partout. Si on avait su cela, on aurait fait autrement, évidemment ! » Le précédent permis de construire avait été refusé, selon lui, non à cause de ces menhirs, mais pour une problématique de zone humide. La Drac n’a pas pu être contactée, en ce début de semaine.
« La loi est formelle : toute destruction d’un site archéologique est passible d’une lourde amende », rappelle Christian Obeltz. Qui avait déjà alerté la Drac en 2013 sur un permis de construire délivré à l’emplacement du tertre de Lann Granvillarec, un petit tumulus, figurant lui aussi sur les sites mégalithiques retenus dans le projet de classement à l’Unesco. À l’époque, les travaux avaient été arrêtés. La maison avait été déplacée.
Les petits menhirs du Chemin de Montauban constituaient sans doute l’un des ensembles de stèles les plus anciens de la commune de Carnac, à en juger par les datations Carbone 14 obtenues en 2010 sur le site voisin de la Z.A de Montauban : 5480-5320 avant J.-C., soit la datation la plus haute obtenue pour un menhir dans l’ouest de la France !
[…]Ce site, même modeste, illustrait ainsi la structuration du territoire dès le Néolithique, une période aujourd’hui considérée par les chercheurs comme l’aube de l’Histoire, 4500 avant les Gaulois et l’Empire Romain. Les files de Montauban, par leur orientation, ont déterminé des limites de parcellaires qui étaient toujours actuelles… jusqu’en 2023 et l’arrivée de Mr Bricolage !
[…]