A l’occasion de l’ouverture, le 17 juin, du nouveau Musée national de l’Histoire de l’Immigration, à Paris, le Palais de la Porte-Dorée s’est associé avec le cabinet Occurence-Groupe Ifop afin de réaliser un grand sondage national sur la connaissance et le regard des Français sur l’immigration. Entretien avec Assaël Adary, fondateur du cabinet Occurrence, qui a piloté l’étude.
La responsabilité d’un institut d’études commence par la manière de penser les questions. En discutant avec l’équipe du musée, nous avons fait évoluer nos choix qui étaient au départ assez classiques et nous avons notamment eu l’idée de croiser des questions sur l’opinion et sur la connaissance : que pense-t-on sur l’immigration en fonction de ce que l’on sait ? Nous sommes là en plein dans la vocation du musée : transformer l’opinion par la connaissance.
Il y a du travail pour le musée… 62 % des sondés pensent qu’il y a trop d’immigrés en France.
Il ne s’agit pas non plus d’édulcorer. Et je précise que ce n’est pas un chiffre homogène. Si les CSP – et les plus de 65 ans sont très majoritairement d’accord avec cette idée, les 18-24 ans, par exemple, ont une vision plus positive de l’immigration. On remarque aussi que lorsqu’on n’a pas d’immigrés dans son entourage, le chiffre monte à 74 %. Plus étonnant, même les gens qui ont une ascendance immigrée sont 52 % à penser qu’il y a trop d’immigrés en France. En fait, dès que la question porte sur une échelle « macro » (« la France », « les immigrés »), on a une sorte d’effet télescopique qui éloigne les gens de leur réalité. C’est pourquoi certaines de nos questions s’attachent au quotidien. Et là, on peut constater qu’un Français sur deux a une personne issue de l’immigration dans son cercle amical ou professionnel, et que les deux tiers d’entre eux pensent que c’est un enrichissement.
Globalement, le point de vue négatif sur l’immigration est-il lié à une plus grande ignorance de l’histoire et de la réalité du fait migratoire ?
Il faut évidemment faire une différence entre la corrélation et la causalité. Mais on peut affirmer très clairement qu’il y a un lien entre la méconnaissance et la critique de l’immigration. Les gens qui se trompent sur les six questions que nous posons (Quelle proportion de la population les immigrés représentent-ils ? Quelle part de la population française est-elle issue de l’immigration aujourd’hui ?, etc.) sont plus nombreux à dire qu’il y a trop d’immigrés en France (73 % contre, je le rappelle, 62 % dans la population générale). […]
En revanche, pour 66 % des sondés, « l’histoire de la France s’est construite en partie grâce à l’immigration ».
Nous avons à dessein employé la préposition « grâce à ». Et le chiffre est tout de même fort. Même les Français qu’on perçoit comme hostiles dans les précédentes questions (ceux qui se trompent sur les six) disent à 55 % que l’histoire de France s’est construite grâce à l’immigration. […] Seuls 15 % des Français campent dans une position radicale.
