Rarement l’Église catholique ne s’est remise en cause à ce point. L’Instrumentum Laboris, le «document de travail» du prochain synode des évêques «pour une Église synodale», programmé à Rome en deux sessions (octobre 2023 et octobre 2024), entend inverser totalement la hiérarchie habituelle de la prise de décision ecclésiale au profit des laïcs. Il propose une nouvelle méthode collective de prise de décisions, normée, qui présiderait à toutes les décisions. Publié ce mardi par le Vatican, ce document de travail demande également à ce que l’Église réfléchisse à l’ordination sacerdotale d’hommes mariés et à l’ordination diaconale de femmes. Quant aux évêques, ils devraient être régulièrement évalués dans leur charge et contredits si nécessaire, dans leur gouvernement. Le synode espère enfin que des groupements d’églises locales de grandes régions du monde puissent peser autant que Rome dans les grandes décisions. (…) La consultation a été dépouillée à l’échelon national puis continental et transmise à Rome pour que soit élaboré ce document de travail d’une cinquantaine de pages. Mais seul le pape, à l’aube de l’année 2025, aura le pouvoir d’adopter ou non ces idées qui sont encore à l’état de questions ouvertes. Ce programme, reconnaît le texte, n’ira pas sans «tensions». Le mot est d’ailleurs cité dix-neuf fois quand celui de «Jésus» apparaît à dix reprises.
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Première place est donnée aux «pauvres»: «dans une Église synodale, les pauvres, au sens de ceux qui vivent dans la pauvreté et l’exclusion sociale, occupent une place centrale». Puis vient «le soin de la maison commune», la terre, qui subit le «changement climatique». Apparaissent ensuite les «migrants» avec qui «les fidèles catholiques» doivent «cheminer». Des catholiques qui doivent travailler à la «promotion des pauvres» en «prêtant voix à leurs causes» pour «dénoncer les situations d’injustice et de discrimination sans complicité avec ceux qui en sont responsables». De même, les paroisses doivent «vraiment accueillir tout le monde». Dont «les personnes divorcées et remariées, les personnes polygames ou les personnes LGBTQ+», des situations mises sur le même plan dans le document du Vatican. Place doit être également donnée aux «victimes» qui ont été «blessées par des membres de l’Église».
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Enfin, cette révolution managériale annoncée a sa méthode: pour la première fois, ce Document de Travail décrit le nouveau processus collectif de décision que le synode voudrait voir pratiquer et être enseigné «dès le séminaire» pour être sûr que les prêtres et évêques n’adoptent plus de position dominante, pour cultiver une attitude de «service» des fidèles. Au cœur de ce nouveau système, cette méthode est dénommée «la conversation dans l’Esprit».
Un schéma explicatif est même publié pour expliquer ces trois temps après un «temps de prière»: «Prendre la parole et écouter attentivement la contribution des autres», puis «faire place à l’autre et à l’Autre» et dire ce qui a «résonné le plus» ou «suscité le plus de résistance». Enfin, «construire ensemble» en «reconnaissant les intuitions et les convergences» et en «identifiant les discordances et les obstacles» mais en «laissant émerger les voix prophétiques» car il est important que «chacun se sente représenté par le résultat du travail». Le texte précise: «Il ne s’agit pas de réagir ou de contrer ce qui a été entendu mais d’exprimer ce qui a touché ou interpellé au cours de l’écoute».
Selon le document, «les effets de l’écoute produit dans l’espace intérieur de chacun sont le langage avec lequel l’Esprit Saint fait résonner sa propre voix». Cette méthode devrait être appliquée à tous les niveaux dans l’Église par la création d’une fonction «d’animateur des processus de discernement en commun».