Au cours de la Ve République, le pouvoir disciplinaire était, jusqu’à récemment, très peu utilisé et surtout concentré sur le rappel à l’ordre simple. C’est de loin la sanction disciplinaire la plus appliquée (102 sur les 132 prononcées depuis les débuts de la Ve République). La majorité présidentielle l’a largement employé ces derniers mois, notamment dans le contexte de la réforme des retraites. Dans la période récente, d’autres sanctions ont pu concerner, par exemple, des situations de « confusion entre l’exercice de leur mandat politique et des intérêts privés ».
Une hausse des sanctions sous Macron
Au total, 109 des 132 sanctions prononcées depuis 1958 l’ont été depuis 2017 et l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir. Dans le même temps, les peines les plus sévères sont moins rares. Début 2023, la censure avec exclusion temporaire a ainsi été prononcée par l’Assemblée, sur proposition du bureau, pour deux députés dont Thomas Portes (LFI), pour un tweet qui le montre, ceint de son écharpe tricolore, posant le pied sur un ballon à l’effigie du ministre du travail. Cette sanction n’avait jusqu’alors été prononcée qu’une seule fois lors de la Ve République, en 2011. De la même façon, les rappels à l’ordre avec inscription au procès-verbal, dont la première utilisation date de 2009, sont plus fréquents.
La virulence verbale n’est pas un phénomène inédit, y compris durant la Ve République, rappelle l’historien Jean Garrigues. Alors, peut-on déduire de l’augmentation des sanctions une hausse récente de la violence dans l’hémicycle ? Pour le président du Comité d’histoire parlementaire et politique, il faut lire dans les tensions des derniers mois une forme de « jeu de rôle » entre La France insoumise et le camp présidentiel. Si l’un tente de « montrer à l’opinion, par le biais de cette conflictualité, qu’il constitue la seule opposition », la majorité tend à les « exclure de ce que l’on appelle l’arc républicain ».
(…)
Les députés de la gauche radicale, les plus sanctionnés
Ce sont sans surprise les élus de La France insoumise, qui effectuent pour la plupart leur premier mandat à l’Assemblée nationale, qui ont concentré la quasi-totalité des sanctions de la session parlementaire ordinaire 2022-2023. Le 16 mars, Matthias Tavel (LFI) a par exemple reçu un rappel à l’ordre pour un « Ta gueule, toi là-haut ! », lancé à un député d’extrême droite. En parallèle, les députés du Rassemblement national n’ont reçu que quatre sanctions depuis leur arrivée massive au Parlement, l’année dernière.
Les parlementaires d’opposition sont les plus sanctionnés, mais ils n’ont pas le monopole. La macroniste Pascale Fontenel-Personne a ainsi été rappelée à l’ordre en 2017 pour sa « confusion entre l’exercice de son mandat parlementaire et les intérêts de son entreprise ».
Un périmètre de sanction variable ?
« Il est compliqué de sanctionner son camp », relève Jean Garrigues. Plusieurs responsables politiques ont récemment allégué de différences de traitement selon l’appartenance politique du député en cause. Fin juillet 2022, François Ruffin a ainsi déploré qu’un député de la majorité ne reçoive qu’un rappel à l’ordre pour un salut nazi (fait, selon l’intéressé, pour « stigmatiser » un député du Rassemblement national qui aurait préalablement effectué ce geste) – alors que M. Ruffin avait pour sa part été sanctionné financièrement en 2017 pour avoir porté un maillot de football en séance, en soutien à une proposition de loi.
(…)