Dans une tribune à « l’Obs », Jean-François Kahn, fondateur de « l’Evénement du jeudi » et de « Marianne », dénonce les conséquences de la nomination de Geoffroy Lejeune, soutien d’Eric Zemmour, à la tête du « Journal du dimanche », désormais dans le giron de l’homme d’affaires.
On imagine ce que seraient les réactions des élus conservateurs, des médias droitistes et des intellectuels anti-« woke » si on apprenait que des capitalistes de gauche, déjà actionnaires de Mediapart, étaient sur le point de racheter « le Figaro » à la famille Dassault pour le transformer en un organe résolument progressiste. Mobilisation générale. Tout le monde au front.
Doit-on s’étonner, en revanche, que les mêmes qui pousseraient des hauts cris (et ils auraient raison) se réjouissent aussi ostensiblement de l’imposition par le « grand capital » d’une ligne extrémiste zemmourienne à un organe, dont il s’est préalablement emparé, et dont l’essence existentielle était la modération, la décence démocratico-républicaine, parfois aussi le conformisme ?
On en prendra peu à peu conscience : cette mainmise sur un important groupe d’influence médiatique – Canal+, C8, I-Télé devenue CNews, Europe 1, « Paris Match », le « JDD », etc. – d’un personnage dont l’âge a comme révélé et congelé le fanatisme cléricalo-réactionnaire aura des conséquences considérables.
Pourquoi ? Parce qu’elle rend presque inéluctable (presque, parce que cela dépend aussi de nous tous) les prochaines victoires de l’extrême droite et donc l’atmosphère de guerre civile qui en découlera. […]
Au début des années 1930, en Allemagne, un ancien directeur de Krupp, richissime homme d’affaires donc, qui s’était construit un immense empire médiatique, Alfred Hugenberg, mit son redoutable outil d’influence au service d’une « union des droites » intitulée le « front de Harzburg ». Ce qui permit au Parti national-socialiste de sortir de son isolement et d’augmenter, dans un premier temps, son nombre de sièges au Parlement. Avant de finalement l’emporter… et de faire, provisoirement, de son bienfaiteur, un ministre de l’Economie.