Manque de diversité dans les écoles et les rédactions, déficit de sensibilisation aux sujets sociaux… Les cursus en journalisme ne forment pas assez leurs étudiants à lutter contre les biais discriminatoires et les stéréotypes racistes. Une association va intervenir dans les écoles pour former les étudiants.
“On a remarqué qu’à chaque fois qu’un crime ou un délit est commis par une personne non blanche, les médias vont systématiquement parler de son origine ethnique, créant une surreprésentation des personnes racisées et un déséquilibre par rapport à la réalité“, analyse Sarah Bos, journaliste et membre de l’Association des journalistes antiracistes et racisé.e.s..
Amjad, étudiant au Cuej de Strasbourg (67), a adhéré à l’Ajar cette année. Alternant dans un titre de presse quotidienne régionale, il y est, “sur deux départements, le seul journaliste racisé“. En 2022, alors qu’il participe à une journée-conférence autour des inégalités animée par son école, le jeune homme s’étonne qu’il ne soit pas fait mention des discriminations racistes. “Je trouvais ça effarant qu’en école de journalisme, on ne traite pas la question, alors même qu’on était en pleine campagne présidentielle, au contact des discours d’Éric Zemmour et de Marine Le Pen“, se souvient-il.
Intégrables le plus souvent à bac+3, les 14 écoles reconnues par la profession “ne ressemblent pas exactement à la société française“, admet Soraya Morvan-Smith, journaliste enseignante à l’IUT de Lannion (22). “Les promotions sont très homogènes, avec des étudiants issus globalement des mêmes milieux sociaux-économiques“, abonde Sarah Bos.
Pourtant, de plus en plus de formations prêtent une attention particulière à ces questions lors de l’examen des candidatures. “Tous les biais qui pourraient être discriminants font l’objet d’un effort de traitement pour ouvrir davantage le recrutement“, précise Soraya Morvan-Smith, notamment en s’attachant davantage à la motivation de l’élève plutôt qu’au parcours et aux résultats scolaires.
Mais avant même la sélection se pose le problème du manque de postulants racisés. “Chaque année, je vois aussi le déficit de candidats“, regrette l’enseignante. Et cela se répercute plus tard dans les promotions, où l’on recense souvent “autour de trois élèves racisés”, déplore Sarah Bos. Un manque de diversité qui se ressentira de facto à l’intérieur des rédactions dans les années à venir. […]
L’association travaille également à l’élaboration d’un kit pour sensibiliser les rédactions, notamment autour des quartiers populaires, des violences policières ou des questions migratoires. Et si un long chemin restera encore à parcourir, Sarah Bos compte sur la formation et les étudiants pour se saisir de ces problématiques, en ‘déconstruisant les clichés afin de ne plus en propager dans leur mission d’informer le public“.
L’Etudiant