Le journaliste et chercheur franco-britannique Ben Judah détaille, dans un entretien au « Monde », les métamorphoses de l’Europe provoquées par l’immigration, le changement climatique et les bouleversements technologiques.
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Pourquoi un Franco-Britannique qui habite aux Etats-Unis désirait-il écrire un livre sur l’Europe ?
Au départ, je voulais écrire un livre sur la France, que j’ai traversée pendant quelques mois, me rendant dans les Alpes, en Bourgogne, à Avignon… J’avais écrit plusieurs pages d’un livre très classique, dont j’étais le narrateur. Mais je me suis rendu compte qu’il était limité aux frontières de l’Hexagone, alors que ce qui m’intéressait, ce n’était pas vraiment des phénomènes franco-français, mais européens : l’immigration et la transformation ethnique du continent, le changement climatique, la mondialisation… J’assistais vraiment à une transformation de la vie européenne. J’ai donc décidé de sortir du cadre de la France.
Mais l’Europe a toujours connu des vagues d’immigration…
Oui, mais les pourcentages étaient différents. En deux générations, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne sont devenues aussi diverses que les Etats-Unis. En Allemagne, 18 % de la population est constituée d’immigrés aujourd’hui. C’est une transformation très profonde.
N’y a-t-il pas un risque à nourrir avec ce discours l’extrême droite et la théorie du « Grand Remplacement » ?
L’Europe se transforme, démographiquement, culturellement, ethniquement. Nier ce fait, influencé par l’immigration, le vieillissement de la population et l’économie des travailleurs bon marché reviendrait à laisser la discussion aux mains des tenants des théories du complot, qui imaginent que le remplacement des Européens autochtones serait orchestré par une sorte d’élite de l’ombre – presque toujours les juifs. Je voulais offrir un antidote à ce complotisme en montrant la réalité de cette transformation, et l’humanité de ceux qui arrivent.