Pour Djemila Benhabib, journaliste canadienne d’origine algérienne, l’interdiction de l’abaya à l’école en France devrait être un exemple à suivre en Belgique.
Non, Bruxelles n’a pas vécu sa séquence abaya et qamis , comme c’est le cas pour certains établissements scolaires publics en France. Sur ce front-là, aucune vague n’est venue perturber la rentrée scolaire. Du moins en apparence. Car, ici, en Belgique, l’islamisme avance à bas bruit dans les écoles depuis 1989. Les non-dits sont nombreux et les compromissions grandissantes. De longues tuniques ont fait leur apparition ainsi que des robes au-dessus du pantalon, s’inscrivant dans une démarche clairement prosélyte. Comme il n’existe pas de loi d’interdiction générale du port de signes convictionnels pour les élèves, chaque établissement impose sa propre règle en fonction de son pouvoir organisateur. Ce qui a débouché malgré tout sur une interdiction quasi générale…
Avec le temps, ces dispositions du cas par cas se sont érodées, sous l’impulsion constante de milieux islamistes, bien nantis et organisés, appuyés par certains lobbys droit-de-l’hommistes. Le corps enseignant a subi des pressions de plus en plus fortes de la part de « simples élèves » qui saisissent les tribunaux pour un oui ou pour un non, en invoquant des « discriminations » et des « torts » irréparables. Leur objectif est clair : établir des précédents, renverser la règle commune pour créer des privilèges religieux. Tout comme le malade imaginaire de Molière, nous avons, ici, à Bruxelles, de plus en plus de « victimes » imaginaires qui affichent une grande hostilité à la neutralité et rejettent des savoirs universels. Exténués de devoir être constamment sur le qui-vive, certains enseignants abandonnent et d’autres persistent encore dans leur engagement, courageusement, voire héroïquement. Surtout en l’absence de protection de la part de leur hiérarchie et faute de responsabilité politique.
Mais attention, l’attitude à adopter n’a pas toujours été celle du laisser-faire. En 2016, un directeur d’établissement avait été suspendu provisoirement car il avait tardé à signaler la radicalisation de l’un de ses élèves, Bilal Hadfi, 20 ans, qui devint le plus jeune terroriste du commando du 13 novembre 2015 du Stade de France à Paris. Par peur de « stigmatisation », certains faits – notamment la propension de l’élève à poser avec un AK47 sur les réseaux sociaux – étaient restés cachés.
Alors les enseignants ne savent plus sur quel pied danser. Surtout, depuis l’assassinat de Samuel Paty, le 16 octobre 2020, où la censure et l’autocensure sont devenues des réflexes de survie . Dans une école normale où l’on forme de futurs enseignants, certains stagiaires ne font plus cas de la règle de neutralité imposée aux enseignants. L’année dernière, me rapporte une formatrice, « nous avons été confrontés à un stagiaire qui portait une barbe hirsute, habillé de chaussettes hautes et de pantalon arrivant au-dessus des chevilles. En classe, durant son stage, il faisait peur à des élèves dont certains réfugiés afghans fraîchement arrivés qui se demandaient s’ils étaient encore en Afghanistan. » […]
La commune de Molenbeek est à la veille de créer un séisme institutionnel en intégrant dans son équipe des échevins (maires adjoints) une élue voilée, une première à Bruxelles. Saliha Raïs, 35 ans, qui représente le PS flamand va succéder, au courant du mois de septembre, à son collègue appelé à d’autres fonctions. Cette désignation suscite des tensions au sein de la majorité dirigée par le PS qui considère, par ailleurs, que barrer la route de l’échevinat à Raïs est une posture d’extrême droite alors qu’en réalité cette première constitue plutôt une entorse au principe constitutionnel de la neutralité de l’État. Et devinez quoi… d’autres communes ont déjà affiché leurs intentions de faire plus de place à des élues voilées au sein de leurs exécutifs. À la veille de plusieurs scrutins attendus à l’automne 2024, le signal est d’ores et déjà lancé. […]