14/09/23
9/09/23
Plus fâcheux, la cérémonie, qui paraît-il, célébrait « l’art de vivre à la française », n’est pas vraiment inclusive. Ici un manque de représentativité, là-bas des symboles désuets, comme le magnifique jambon de pays apparu à plusieurs reprises à l’écran, limite ostentatoire. On frôle parfois la version chorégraphiée du mème rétrograde « ma France, mon pinard, mon cochon », bla, bla, bla.
Ensuite, sur sa lancée, le spectacle que personne n’arrête dans ses ambitions démesurées de montrer une France simple passe des clichés aux symboles. C’est le fondateur du rugby lui-même, Webb Ellis, qui vient expliquer les règles sur écran géant, comme un Dieu à l’accent anglais : «Un jeu simple joué par les gentlemen, joué par tout le monde.» Lui, l’inclusion, il connaît. Après s’être essayé à quelques récupérations de touches, voilà Jean Miche qui s’envole carrément dans les airs pour récupérer le bibi. Léger, aérien, un bond prodigieux qui le satellise au-dessus de la mêlée. Grand kif pour le comédien : après l’Oscar, Icare, rien que ça. Bientôt escarres ? On ne le souhaite pas à Jean Miche, il lui reste du boulot avec son amoureuse car le voici déjà redescendre des cieux avec le bibi, qu’il rend à Adriana Karembeu. Va-t-il partir avec elle ? Non, Jean Miche reste avec la danseuse, et tout le monde finit par virevolter en chantant tandis que la Patrouille de France s’approprie le ciel en y griffant les couleurs du drapeau français.
Voilà.
La cérémonie est finie. Elle était dense. Tout le monde rentre dans les coursives. Macron descend avec son micro pour ouvrir la fête – sportive. Il est hué. Par les mêmes qui chantaient durant le spectacle. Là, on n’a pas compris. Les Français sont magnifiques, mais ils sont parfois un peu impétueux. Car, à y regarder, les valeurs de la performance Reflets de France années 50 de Jean Miche sont presque celles que l’on va retrouver lundi matin en se réveillant : un pays où l’on parle du retour de l’uniforme à l’école, où le Président jupitérien décide des 49.3 comme un chef de village incontestable, où l’on dit perlimpinpin et saperlipopette, où il faut faire deux heures de caisse pour trouver un médecin, où les hommages culturels vont au Puy du Fou… cette France rance, on l’a vue en spectacle, on en a ri, on a été éberlué, c’est presque la nôtre. On peut aussi la refuser.
08/09/23
08/09/23
Pierre Charbonnier est philosophe, chargé de recherche CNRS à Sciences Po (Centre d’études européennes et de politique comparée). Il est ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure, agrégé et docteur en philosophie, titulaire de l’Habilitation à Diriger des Recherches.