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TRIBUNE – Un seul précédent historique peut nous éclairer sur la situation à laquelle est confrontée l’Europe aujourd’hui, explique la philosophe: le déclin de l’Empire romain. Alors que la France ne bénéficie ni de la chance géographique ni de la volonté politique pour endiguer l’immigration, analyse-t-elle, l’émigration pourrait devenir une solution.

(…) L’historien Paul Veyne avait répondu à cette question en décrivant l’installation massive dans l’Empire romain de ceux qu’on appelait alors les «barbares» – c’est-à-dire les «autres»: «ces barbares si envieux, admiratifs, imitateurs et cupides de la civilisation romaine, entendaient bien rester eux-mêmes tout en s’en emparant». Devant cette situation, nombre d’Européens sont saisis d’affolement, d’une folle crainte de la perte de soi, de cette hystérie collective que décrivait si bien l’historien hongrois Istvan Bibo en parlant des nations d’Europe centrale: l’angoisse de voir sombrer sa propre culture. D’où la montée dans tous nos pays des partis dits populistes.

(…) La seule situation analogue dans notre histoire était celle de l’Empire romain sur le déclin. Nous avions alors ici en Europe la richesse et la liberté, et ceux appelés alors «barbares» étaient attirés à Rome comme des papillons vers la lumière. Finalement, leur nombre fut tel que la vie romaine sous le poids se détériorait et s’appauvrissait – on ne peut intégrer quand la masse des arrivants est trop énorme. D’autant que chez les Romains eux-mêmes, et particulièrement chez les chrétiens, montait un courant de pensée culpabilisant pour lequel les barbares étaient bien supérieurs aux Romains décadents et cupides (le prêtre Salvien écrit même «ce sont les Romains qu’il faut barbariser»). Tout était fait pour la dissolution de la culture romaine. Finalement, les écoles fermèrent les unes après les autres – ce qui est le signe majeur, et nous appelons les siècles suivants les siècles obscurs, parce que nous en avons si peu de connaissances, une grande partie de la culture s’étant dissoute dans le désordre régnant. Ainsi la richesse et la liberté s’en vont au chaos.

Cependant nous avons un atout majeur que les Romains n’avaient pas – même si je ne sais si cela confortera mes lecteurs! Le monde des Romains était très étriqué, il s’arrêtait aux colonnes d’Hercule et aux confins de l’Inde. Tandis que nous avons le Nouveau Monde, occidental, c’est- à-dire du nord au sud nourri d’initiative économique, de liberté politique, et de religions de liberté. Naturellement les États-Unis subissent les vagues de migration mexicaines et les pays d’Amérique latine sont actuellement investis par des Vénézuéliens, mais il s’agit toujours de cultures de liberté, même si subsistent quelques reliquats de démence idéologique hérités du XXe siècle.

Le nouveau monde ne sera pas investi par les migrants d’ici, parce qu’il bénéficie d’une chance géographique inégalée et d’une volonté politique inégalée (ce sont, et ce seront de plus en plus, des pays protestants, la culpabilité nigaude étant essentiellement catholique ou de culture catholique ; et le wokisme à culpabilité nigaude ressemble bien à la mode d’un jour). On peut penser, si l’on se risque à un peu de prospective, que nos arrière-petits-enfants, au moins les intrépides et les créatifs, quitteront «l’Europe aux anciens parapets» et émigreront en masse vers le nouveau monde, afin d’y retrouver leur culture d’initiative et de liberté, laissant derrière eux de nouveaux siècles obscurs. Sic transit gloria mundi.

Le Figaro

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