Ce vendredi 13 octobre, au lycée Théodore-de-Banville, à Moulins (Allier), Bernadette et Jean Paty participaient à la cérémonie organisée pour le triste 3e anniversaire de l’assassinat de leur fils. Ces deux directeurs d’école à la retraite entouraient les élèves de l’établissement où Samuel fit ses études, dans les années 1980, jusqu’au baccalauréat. Discours, hommages et lecture de poèmes se sont succédé. L’émotion fut particulièrement vive quand un lycéen a lu le texte du chanteur Gauvain Sers, écrit quelques jours après l’attentat perpétré le 16 octobre 2020, il y a trois ans presque jour pour jour, devant le collège Bois-d’Aulne, à Conflans-Sainte-Honorine : Paraît qu’on s’habitue / Quand l’infâme est légion / Tous ces hommes abattus / Pour les traits d’un crayon. »
« L’hommage était très émouvant, il nous a réconfortés et en même temps bouleversés », raconte au Point Bernadette Paty. « Puis nous sommes rentrés chez nous, mon mari a allumé la télé et, là, on a appris la nouvelle : le jour où nous honorions la mémoire de notre fils, un autre enseignant était poignardé au même moment, à Arras (Pas-de-Calais), par un homme présentant quasiment le même profil que l’assassin de Samuel. C’est peu dire que nous sommes bouleversés. Nous sommes anéantis, dans une période déjà très difficile pour nous, rendue plus pénible encore par les barbaries commises il y a quelques jours en Israël. Un autre professeur exécuté comme le fut notre fils, qui n’avait rien fait, pas même montré une caricature, c’est trop pour nous… »
Bernadette Paty, dont la pudeur et la retenue ont impressionné tous ceux qui l’ont côtoyée, parle calmement, comme toujours. Mais on perçoit la douleur qui l’assaille, pas tant dans l’intonation de sa voix que dans le choix de ses mots, et le désespoir qu’ils expriment. Elle dit : « C’est une répétition tragique. Cet événement, qui s’ajoute à notre deuil impossible et cette guerre en Israël , va raviver la haine et le ressentiment. Je ne vois pas comment on va pouvoir en sortir, comment on va pouvoir s’extraire de cette vague de haine, de cette spirale, de cette folie. L’assassinat de Samuel n’a pas suffi. Des gens, accueillis chez nous, sont toujours prêts à passer à l’acte. Plus personne ne peut se sentir à l’abri. C’est terrible. »
La mère de Samuel Paty n’a jamais exprimé la moindre parole de haine mais une colère, sourde, s’exprime aujourd’hui : « Ces gens-là sont des barbares. Je regrette leur arrivée… » On lui demande comment réagit son mari. « Il est anéanti sur le canapé. Il pleure. Écoutez-le pleurer… » […]