Le maire de cette commune de la Seine-Saint-Denis a choisi de placer son mandat sous le signe d’un « palestinisme » poussé, quitte à s’aligner sur la propagande du Hamas. Pendant ce temps-là, les habitants juifs de la ville s’en vont.
« Les Israéliens ont détruit la Palestine, hein, maman ? », demande un petit garçon à sa mère. « Non, ils n’ont rien détruit du tout, ils n’ont rien détruit du tout ! »répond sèchement sa mère. Dans ce restaurant syrien de Stains, une musulmane voilée, d’origine égyptienne, parle avec son fils âgé d’une petite dizaine d’années. La conversation, alternant entre l’arabe et le français, concerne la guerre entre le Hamas et l’État hébreu. Un dialogue qui résonne avec les préoccupations du maire, Azzédine Taïbi*. Depuis des années, l’édile, ancien membre du Parti communiste, pare sa ville aux couleurs des Palestiniens – et pas n’importe lesquels. En 2020, il a pavoisé la façade de l’hôtel de ville d’une affiche représentant Marwan Barghouti, chef du Tanzim et des brigades al-Aqsa, les branches armées du Fatah, placées sur la liste officielle des organisations terroristes de l’Union européenne. Condamné pour plusieurs meurtres, Barghouti purge une peine de prison en Israël.
En 2022, Azzédine Taïbi se montre à la télévision dans son bureau avec un drapeau palestinien derrière lui. La même année, l’une des rues est rebaptisée du nom d’une des femmes du prophète Mahomet. « Un projet artistique » éphémère, se défend la mairie, afin de rendre hommage à « des femmes inspirantes ». Tous ces gestes auraient-ils pour but de flatter de potentiels électeurs ? « Stains est une ville représentative de la communautarisation de la société, le modèle républicain ne s’est pas imposé », lâche un ancien cadre du Parti de gauche, la formation politique fondée par Jean-Luc Mélenchon après son départ du PS. « On aurait dû y arriver avec un maire communiste, mais Azzédine Taïbi a retourné sa veste et fait du clientélisme », ajoute, amer, ce militant laïque. Malgré la guerre entre Israël et le Hamas, les conversations publiques à ce sujet demeurent rares ici. Au marché du quartier de l’Avenir, des stands d’épices, de fruits et légumes tenus par des Maghrébins côtoient des étals de vêtements proposés par des Bangladais. S’y mêlent des traiteurs offrant une cuisine du monde. Les discussions tournent davantage autour de l’inflation que de la situation à Gaza.
Cette ville de 38 000 habitants se veut multiculturelle. Algériens, Marocains, Haïtiens, Congolais… Les différentes origines sont prises en compte jusqu’à la médiathèque : les bacs à livres offrent désormais des ouvrages jeunesse en tamoul, en arabe ou en turc. « Les parents veulent que leurs enfants puissent lire dans leur langue maternelle » explique l’une des bibliothécaires. La part de la population immigrée à Stains en 2020 représentait 34,6 % (contre 9,9 % à l’échelle nationale). Partout, des restaurants aux boucheries, les identités s’affirment, en particulier l’identité musulmane. Une nouvelle mosquée devrait voir le jour sur un terrain mis à disposition par la commune dans le cadre d’un bail emphytéotique [de très longue durée]. Elle devrait être construite sur trois niveaux pour pouvoir accueillir plus de 1 000 fidèles.
(…) L’unique synagogue de la ville semble avoir disparu du paysage social. « Une synagogue ? Je ne sais même pas s’il y en a une… », confesse une agente de la ville, stanoise depuis une vingtaine d’années. « La synagogue ? Elle est à 100 m à droite » indique de son côté l’un des couturiers de la ville. Cent mètres plus loin, il y a bien un lieu de culte, mais c’est l’église Notre-Dame-de-l’Assomption. En réalité, la synagogue se trouve derrière un mur et un portail de sécurité, non loin du centre.