Pour se distancier du parti honni, les institutions juives ont développé toute une panoplie de techniques. « jamais on ne doit offrir d’image où les élus RN apparaissent à nos côtés », insiste un dirigeant de la communauté. Et ce, sans les interdire de venir, précise-t-il, pour ne pas reproduire la « phrase malheureuse » du président du Crif Francis Kalifat en 2018, qui avait exhorté — sans succès —Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon à ne pas participer à la marche en hommage à Mireille Knoll.
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«Graal.« Nous sommes exactement là où nous devons être », a martelé Marine Le Pen lors de la marche du l2 novembre, tentant de balayer les critiques. «C’est un coup de com’ génial. Elle n’a pas besoin de justifier pourquoi elle est là et, en creux, elle dit que le Président est absent », relève un diplomate. Avant d’ajouter, en référence à la guerre: «Son discours anti-islamisme plaît à la société, à ceux du Crif qui pensent qu’on ne peut rien faire avec les Arabes.»
De son côté, Yonathan Arfi rejette un programme lepéniste «qui reste marqué par une forme d’hostilité et de méfiance vis-à-vis de l’altérité ». Au RN, tous vantent les mots de Serge Klarsfeld. Un an après avoir suscité un tollé pour avoir reçu la médaille de la ville de Perpignan des mains de son maire RN, Louis Aliot, il réitère, « soulagé » de voir participer le parti lepéniste, et bouscule ses pairs. «C’est énorme pour Le Pen. Elle se fiche de ce que pense le Crif, mais le représentant des survivants à la Shoah, c’est le graal », s’inquiète un dirigeant de l’institution.
Louis Aliot scrute chaque bougé, relevant ainsi les propos « plus modérés » du Consistoire central israélite de France, par la voix de son président Elie Korchia, qui a estimé mi-novembre sur RTL, que «la couleur politique» des personnes à la marche importait peu.« L’époque de la diabolisation du FN apparaît révolue », justifie aujourd’hui Elie Korchia, précisant avoir vu se répandre parmi les fidèles le parti pris de Serge Klarsfeld.
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Seul le temps long donnera le la. C’est l’avis de Philippe Meyer, président du B’nai B’rith France : « La partie de la communauté juive, traumatisée par le 7 octobre et qui a pu être séduite par les propos du RN, se prononcera en 2027 et pas avant. » Et de dénoncer : «Je trouve incorrect que l’activisme du RN ait lieu au moment de cette tragédie. L’émotion du présent, la mémoire du passé et nos valeurs s’entrechoquent. Comment réfléchir? » (…) L’argument est déjà prêt pour les européennes. La formation lepéniste siège au sein du même groupe que le parti allemand AfD, qui entretient un rapport ambigu à l’his-toire du nazisme.