C’est à ce mot que j’ai pensé tout de suite vendredi devant mon poste, à l’écoute de cette fin de sonate de Mozart parmi les plus connues et de ce début de concerto de Bach, un tube du classique, autant de morceaux poncés par la publicité ou le septième art, de chefs-d’œuvre qu’on n’entend plus vraiment ainsi diffusés en playlist, sans être édités, sans commentaire sur la spécificité de leur interprétation – une sorte de bruit de fond, jolie mélodie, très à l’opposé de la culture mélomane. Dans le fond, Radio classique, c’est un peu le “Chante France” de la musique dite classique. Il y a un devenir variété de ces morceaux juxtaposés ainsi, qui en plus serait une variété des dominants, armée contre le neuf. Pas élitiste, c’est facile d’écouter Radio Classique, seulement bourgeois. Je ne dis pas que ces morceaux n’ont plus de valeur et qu’ils ne devraient pas être diffusés, je dis que pris dans cette espèce de forme grevée par les pubs de luxe et des voix que l’article d’AOC qualifie à juste titre de “bon ton”, Radio Classique les place, artificiellement, dans une espèce de bruit de fond apparemment inoffensif, mais conservateur et un peu mortifère.
Le socle de la programmation de Radio Classique est donc constitué par un bloc musical « blanc » et conservateur. Ce socle fait lui-même partie d’un environnement artistique, culturel et journalistique bourgeois et de droite.
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Radio Classique produit « sa » musique classique sur ses propres ondes, mais également dans le cadre de concerts qu’elle organise dans toute la France et même à l’étranger et qui sont présentés par certains de ses collaborateurs (David Abiker, Franck Ferrand, Gautier Capuçon). Là encore, la forme « concert » de musique classique, qui est le mode de consommation bourgeois par excellence, donne le « ton » patrimonial de cette station tout comme certaines émissions et encarts publicitaires consacrés à la gestion du patrimoine, au sens proprement financier du terme, le donne pour ses auditeurs.
Il existe donc une convergence et un chevauchement entre plusieurs mondes sur cette station, entre musique, culture, économie et politique, tout ce mélange et cette synergie étant placés sous le signe d’une idéologie profondément ancrée à droite, voire à l’extrême-droite. Difficile de trouver en effet des femmes ou des hommes de gauche intervenant sur Radio Classique alors que celles et ceux de droite, voire d’extrême-droite y sont légion (J.-C Casanova, G. Durand, H. Gattegno, C. Makarian, F. Luchini, F. Beigbeder, R. Khan, entre autres). Le ton idéologique de la station n’est d’ailleurs pas seulement donné par le contenu sémantique des propos énoncés mais également par la diction des intervenants qui dénote, sinon leur appartenance à un groupe social donné, du moins leur position de classe : Radio Classique est le domaine par excellence du français châtié et bien prononcé.
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Une autre leçon que nous révèle cette station de radio est que les idées d’extrême-droite ne sont pas seulement propagées par les partis d’extrême-droite mais qu’elles pénètrent aussi sous couvert de la diffusion d’œuvres musicales en apparence neutres mais qui, enrobées dans une culture politique donnée, permettent à ces idées de pénétrer insidieusement dans toute la société.