03/01/2025
Six hommes sont renvoyés devant la justice pour des projets d’attentats, évoqués dans un commerce halal breton sous surveillance des renseignements, qui ont pu écouter durant des années leurs conversations.
Le dossier de la « boucherie conspirative » de Brest (Finistère) présente une certaine originalité : c’est la première fois, dans l’histoire de l’antiterrorisme français, que le lieu principal de rassemblement d’une cellule djihadiste présumée est un commerce de viande halal. Cette particularité confirme les craintes exprimées ces dernières années par le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, chargé de la lutte contre le séparatisme islamiste, que certains commerces communautaires puissent servir de foyers de radicalisation.
[…]Mohamad D. évoque, pour sa part, de faux barrages routiers ou une tuerie dans un village des environs de Brest, à la manière de la « Dawla », le surnom de l’EI. Particulièrement inquiétant, il suggère : « On passe à quatre ou cinq, armés, tu tues tout le village en une seule nuit, c’est facile. » Mais, pour cela, « il nous faut un peu d’entraînement, il nous faut des armes ». De préférence « un silencieux », précise-t-il.
Lors de cette conversation, Mohamad D. met en garde son ami Wahid B. contre un informateur qui travaillerait pour la police. Un autre membre du groupe, Erwan M., un converti, a décidé de se tailler la barbe pour ne pas attirer l’attention. Il parle avec des « kouffars » (mécréants) pour donner le change, dit « un peu des gros mots » et a fait retirer le niqab (voile intégral) à sa femme pour ne pas se faire remarquer.
Rapidement émerge la question des armes. Mehdi et Christopher D., un autre converti connu sous le nom d’Islem, se rendent dans le quartier de Kerourien, à Brest, pour en acheter, mais rentrent bredouilles. Erwan M. suggère d’aller à Marseille, où une « kalach » coûte 2 500 euros. Un autre propose la Bosnie, où l’on pourrait en trouver « pour 400 euros ». Mehdi connaît un Tchétchène qui est « chaud patate ». Mais le projet reste à l’état virtuel, faute de volonté et d’argent. Les velléités d’attentat ou de départ tiennent autant du fantasme que du projet. Difficile, au vu des conversations, de démêler la part de sérieux de celle de la vantardise due à la dynamique de groupe.
[…]30/11/2023
Six hommes dont un ex-réfugié de Syrie ont été renvoyés devant la cour d’assises des mineurs spéciale pour avoir préparé jusqu’au début 2020 dans une boucherie de Brest des actions violentes inspirées de celles du groupe Etat islamique, a appris l’AFP de source proche du dossier ce jeudi 30 novembre.
L’enquête a débuté en septembre 2019 autour de la situation de Mohamad D., Palestinien né en 1985 à Homs, en Syrie, et arrivé en France en novembre 2015 avec un statut de réfugié – il l’a perdu depuis.
Les enquêteurs s’interrogeaient sur sa fréquentation régulière d’une boucherie située à brest dénommée “Chez Wahid”, dont le gérant Wahid B. avait été condamné cette année-là pour des faits d’apologie du terrorisme et était soupçonné d’accueillir des réunions “de la mouvance islamiste radicale de la ville“.
[…]D’après une source proche du dossier, un pourvoi est en cours et, s’il est écarté, le procès pourrait se tenir fin 2024.
“Tu tues tout le village en une seule nuit, c’est facile”
Dans une sonorisation du 9 décembre 2019, Mohamad D. dit ainsi à Wahid B. : “Il nous faut un peu d’entraînement, il nous faut des armes, et il faut apprendre certaines choses (…) On peut y aller pas trop loin, par exemple, on va voir les campagnes. On passe à quatre ou cinq, armés, tu tues tout le village en une seule nuit, c’est facile (…) Il faut avoir l’audace, et que tu aies tout prévu“, ajoute encore cet homme aujourd’hui âgé de 38 ans.
[…]21/01/2020
Des proches « sous le choc », « assommés », « abasourdis ». Au lendemain de l’arrestation de Wahid, son entourage familial ne peut imaginer qu’il ait, de près ou de loin, pu participer à un projet violent. Alors, un projet terroriste, encore moins.
La famille de Wahid est nombreuse, connue et respectée à Brest. « Un modèle d’intégration », pour la plupart ; des « trajectoires respectables » de méritocratie républicaine, pour d’autres.
Alors, Wahid, solide boucher trentenaire, a-t-il joué de la « taqiya » (la dissimulation, NDLR) pour mieux masquer d’éventuels projets terroristes ou son arrestation est-elle collatérale dans le dossier ? Les enquêteurs de la DGSI s’emploient, en ce moment même, à le savoir.
[…]