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Alors que la France connaît un effondrement historique dans le rapport Pisa, le lien entre immigration et crise de l’école n’est jamais interrogé, remarque l’essayiste et enseignant Joachim Le Floch-Imad, qui montre, chiffres à l’appui, combien ce phénomène aggrave les difficultés de l’Éducation nationale. Proche de Jean-Pierre Chevènement, Joachim Le Floch-Imad est professeur de culture générale dans le supérieur et essayiste. Il vient de publier « Tolstoï. Une vie philosophique» (Éditions du Cerf, 2023).

En 1989, dans Le niveau monte , Christian Baudelot et Roger Establet se proposaient de «réfuter une vieille idée concernant la prétendue décadence de notre école». Le déclin éducatif de la France y était jugé absurde et la notion de niveau impossible à définir. Pendant des décennies, cette culture du déni a caractérisé l’essentiel des discours au sein de l’Éducation nationale. La publication des évaluations communes à l’ensemble des collèges comme l’effondrement historique de notre pays dans le classement Pisa publié cette semaine ont depuis contribué à faire céder un certain nombre de digues.   […]

Les résultats scolaires des jeunes issus de l’immigration sont tout d’abord nettement inférieurs à la moyenne, ce qui contribue à notre déclassement dans les études internationales. Cela favorise par ailleurs l’hétérogénéité des classes, déjà importante du fait de la massification, et conduit dès lors de nombreux professeurs à aligner leurs exigences sur le niveau des plus faibles. L’ensemble des statistiques à notre disposition accrédite ce constat. Les allophones sont par exemple largement en décrochage en comparaison de leur classe d’âge, et 20 % d’entre eux n’étaient pas scolarisés dans leur pays d’origine. De fortes inégalités persistent au-delà de cette population, comme le montre l’enquête Pisa 2018 en lecture. Les jeunes Français «autochtones ou descendants d’immigrés de troisième génération ou plus» y obtiennent un score très élevé, du niveau de Taïwan et du Danemark, tandis que le score des «enfants d’immigrés» est inférieur de 9 % et celui des «immigrés» de 18 %. Dans le volet 2022 fraîchement publié de cette enquête, le verdict demeure sans appel. Il apparaît en effet que les élèves issus de l’immigration ont 2,4 fois plus de risques que ceux dits « autochtones » de se retrouver parmi les élèves peu performants en mathématiques (écart moyen entre les scores de ces deux groupes de 51 points, contre 32 en moyenne dans l’OCDE). Ces données complètent utilement un rapport alarmant de 2015 du Centre national d’étude des systèmes scolaires ainsi qu’une étude du ministère de 2019 sur la nature plus chaotique des «trajectoires scolaires des enfants d’immigrés jusqu’au baccalauréat» : redoublements fréquents, résultats plus faibles, réussite moindre au baccalauréat, orientation accrue dans les filières professionnelles.

À cette divergence de niveau s’ajoute la réalité de chocs culturels qui entravent l’aspiration républicaine à « faire un ». Il ne s’agit pas de dire que les sociétés homogènes sont exemptes de violences et de crispations : le harcèlement scolaire est par exemple enraciné dans la culture japonaise. Dans le cas français, les dynamiques migratoires des quarante dernières années sont néanmoins particulièrement corrélées à la prolifération des actes de séparatisme à l’école, des contestations d’enseignements et des atteintes à la laïcité. Par incapacité à sanctuariser notre école, nous avons fait de celle-ci le réceptacle des forces centrifuges du corps social. Et nous avons fermé les yeux aussi bien sur l’ethnicisation des rapports sociaux que sur le caractère explosif de la «distance culturelle» (Didier Leschi) et du ressentiment colonial qui travaillent nombre des élèves d’origine immigrée. La France est ainsi devenue l’un des pires pays au monde du point de vue de la discipline en classe, avec de lourdes conséquences sur l’attractivité du métier d’enseignant et sur la capacité de l’institution à transmettre des savoirs.  […]

Près d’un élève immigré sur deux en France est par exemple issu d’un milieu défavorisé, contre 37 % en moyenne dans l’OCDE. Il faut avoir le courage de dire, sans stigmatiser qui que ce soit, que cette situation n’est plus tenable et qu’un seuil de tolérance a été franchi. L’immigration est certes un facteur parmi d’autres de la crise de l’école, mais elle aggrave l’ensemble des problèmes que connaît celle-ci. […]

Le Figaro

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