EXCLUSIF. La sœur de Samuel Paty et son avocat reviennent, pour « Le Point », sur les peines prononcées contre les mineurs mis en cause dans l’attentat ayant coûté la vie au professeur en 2020.
Quelques jours après le verdict, Mickaëlle Paty, sœur cadette du professeur, et son avocat, Me Louis Cailliez, s’expriment en exclusivité pour Le Point. Ils reviennent sur les peines prononcées, le huis clos de ce chapitre judiciaire, et partagent leur constat sur l’état de l’école et « l’idéologie islamique qui y prospère » aujourd’hui, alors que les menaces contre les professeurs se multiplient et que l’un d’eux, Dominique Bernard, mourrait à son tour sous les coups d’un terroriste, en octobre dernier.
Mickaëlle Paty : (…) Après l’attentat terroriste ayant coûté la vie au professeur Dominique Bernard, on est en bon droit de se demander : qu’avons-nous fait concrètement pour que cela ne se reproduise pas ? C’est simple, j’ai le sentiment que nous avons perdu trois ans ! Et si nous continuons ainsi, d’autres professeurs seront assassinés. Car nous ne sommes pas dans « l’après »-Samuel Paty, mais encore dans le « pendant »…
Les perturbations recensées lors du dernier hommage qui lui a été rendu, le 16 octobre dernier – soit trois jours après l’attentat d’Arras –, parlent d’elles-mêmes. Et la dernière enquête de l’Ifop menée sur le sujet en atteste : 38 % des musulmans de 15 à 17 ans n’expriment pas une condamnation totale à l’égard de l’assassin de Dominique Bernard. C’est deux fois plus que chez les musulmans adultes.
Force est de constater que certains refusent purement et simplement de faire société avec nous.
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Il reste de l’incompréhension après ce procès, avec le sentiment d’une deuxième chance accordée bien facilement alors qu’on a ôté à mon frère la sienne. C’est peu dire que les condamnations des mis en cause nous paraissent légères au regard des conséquences. Il n’y a pas de justice, disait Camus, il n’y a que des limites. Mais que reste-t-il des limites si on les franchit presque sans incidence ? Pour moi, la clémence de ce jugement, qui privilégie l’éducation plutôt que la punition, n’envoie pas le bon message.
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Regrettez-vous, comme Mickaëlle Paty, le message envoyé ?
L. C. (avocat) : Le huis clos n’est pas un vase clos. Cette décision était attendue. La résonance était inéluctable. On parle d’une affaire inédite qui a sidéré, bouleversé et traumatisé toute une société. Or, il est clair qu’il manque dans les peines prononcées une dimension punitive vraiment dissuasive pour les justiciables du monde scolaire : élèves, enseignants, encadrants, parents d’élèves… Et pour cause, la peine prononcée à l’encontre de Zohra* – menteuse obstinée et calomnieuse acharnée sans qui Samuel Paty serait encore en vie – ressemble plus à une réprimande indulgente qu’à une sanction électrochoc. Il faut quand même se rendre compte de ce qu’on leur annonce : la justice française accorde un sursis intégral à la première responsable de la cabale islamiste ayant mené à la décapitation d’un professeur ! C’est incompréhensible. La perspective d’une fermeté pénale absolue en cas d’atteinte à un cheveu d’un professeur devrait être une certitude pour tout collégien, alors que la France est confrontée à une flambée de violences dans l’enceinte de l’école. L’occasion est manquée…
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L. C. : La question de l’empathie à l’égard de la famille Paty a, en effet, été scrutée. Et pour cause, le point commun de ces adolescents a été leur manque abyssal d’empathie à l’égard d’un professeur, qu’ils appréciaient par ailleurs. Il y a eu chez eux une dissociation mentale sidérante entre leur intérêt égoïste immédiat et le mal causé à ce dernier. Or, trois ans plus tard, on est bien forcé de déplorer la persistance d’une empathie sélective pour certains d’entre eux…