La librairie et maison d’édition Al Bayyinah, évoquée par Bernard Rougier, est installée non loin de la salle de prière officieuse, au bout de cette avenue du Château. C’est un petit commerce sur deux niveaux, a priori banal. Mais ses coordonnées apparaissent dans les factures de cartes bancaires et les carnets d’adresses de personnes entendues par la justice dans des affaires de djihadisme, tels Domenico Gioberti, parti en Syrie et proche des frères Clain, ou Ahmed Diakite, placé en garde en vue dans le cadre des enquêtes sur les attentats du 13 novembre 2015. Sur une soixantaine de mètres carrés, on trouve ici les livres de chevet des islamistes francophones. Par exemple La Croyance des premiers imams, synthétisant la base du dogme salafiste (lequel rejette toute autre interprétation de l’islam que celle ayant prévalu au VIIe siècle), ou encore les textes d’Aïssam Aït-Yahya, l’un des principaux idéologues de l’islamisme dans l’Hexagone.
Le propriétaire de la librairie, Thomas Sibille, lui-même fiché S dans les bases de données de la DGSI (sous le numéro 1200199 RG), écrit également à ses heures. Son livre paru en mars, La Place de l’islam en France – Entre fantasmes et réalités, reprend un biais cher aux promoteurs de ces idées. Il repose sur le postulat qu’il existerait par essence une identité musulmane, au sens quasi administratif, conférant une nationalité, que l’identité française concurrencerait injustement. Sur la foi de données historiques et sociales, il tente de démontrer que la république, par nature, aurait pour projet de toujours persécuter les porteurs de cette identité rêvée. Une rhétorique efficace pour convertir des esprits non avertis. D’ailleurs, dans sa boutique, comme nous avions montré un intérêt candide pour la religion, un vendeur nous a offert le Guide du nouveau musulman. Rédigé en Arabie saoudite, c’est un ouvrage partisan qui invite à adhérer à un islam rétrograde. Où une femme ne doit jamais demeurer seule dans une pièce avec un inconnu, “car c’est une des ruses du diable menant au péché de chair”.
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