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22/04/2024

Un chiffrage forcément approximatif

Maxime Guimard estime à 500 000 le nombre possible d’étrangers en situation irrégulière au 1er janvier 2022 en retirant chaque année, de 2009 à 2021, du nombre d’étrangers connus pour être entrés, d’une manière ou d’une autre, dans l’irrégularité, ceux qui en sont sortis (décès[1], retour ou régularisation).

Pour 1,3 million de personnes repérées comme entrants dans l’irrégularité de 2009 à 2021, 800 000 sont sortis de l’irrégularité, en grande partie grâce aux procédures de régularisation (80 %). C’est donc principalement par la régularisation que l’État français « lutte » contre la présence irrégulière d’étrangers en France. « La quasi-certitude d’accéder un jour à un statut régulier est inéluctablement interprétée par le migrant comme un signal d’accueil favorable adressé par le pays de destination, qui constitue en lui-même le moteur essentiel de la migration irrégulière » (p. 203).

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L’asile, filière par excellence de l’immigration irrégulière

La durée des procédures, la dégradation des contrôles aux frontières et l’évolution de la législation ont contribué à gonfler les demandes d’asile. Une fois en Europe, l’étranger a de bonnes chances de pouvoir y rester.

La Convention de Genève fut conçue pour réagir aux évènements survenus en Europe avant le 1er janvier 1951. Mais le Haut-Commissariat aux Réfugiés des Nations unies (HCR), créé en 1950, laissait à chaque contractant la possibilité d’élargir unilatéralement le champ de la demande d’asile. Défaut d’anticipation et suivisme du quai d’Orsay ont conduit à l’adoption à l’unanimité de l’extension de la Convention au reste du monde en 1970, après la conférence de Bellagio de 1965 et après que les Nations unies l’aient recommandée. S’y ajoutèrent, en 1982, l’extension aux procédures à la frontière et, en 1998, à l’asile territorial qui devint la protection subsidiaire[6] puis, en 2003, aux persécutions non étatiques.

Le faible taux de protection français ne tient pas à une sévérité particulière mais à la composition par origine des demandeurs. Les demandeurs d’asile font des choix et ceux qui ont de bonnes chances d’obtenir l’asile préfèrent les pays les plus attractifs et où la procédure est plus rapide. L’Allemagne choisit non sans un certain cynisme les étrangers auxquels elle accorde une protection : les plus diplômés d’abord et les femmes parmi les Afghans. La France, où les procédures sont plus longues et les taux de protection supérieurs à la moyenne, notamment auprès des ressortissants de pays exemptés de visas, est donc choisie par défaut, notamment par ceux qui ont été déboutés chez nos voisins. Au rang des exceptions françaises il faut compter la composition de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) où siège, dans chaque formation, un représentant du HCR comme deuxième assesseur. La CNDA assure ainsi une protection à des cas jugés incongrus chez nos voisins. Ses décisions rétroagissent sur celles en première instance par effet d’anticipation.

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Une diplomatie migratoire encore bien timide

Maxime Guimard examine les moyens de pression susceptibles d’améliorer la collaboration des pays d’origine, sachant que la politique longtemps privilégiée par l’UE d’échanger des entrées légales contre un accord de réadmission ne crée pas vraiment d’obligations pour ces pays, en raison d’une grande dissymétrie de réactivité : « Il suffit d’un télégramme pour ordonner aux consulats de ne plus délivrer de laissez-passer, quand nos démocraties forcément plus réglementées doivent engager de longues négociations pour revenir sur les facilités octroyées » (p.278).

La menace de réduire le nombre de visas a plus de chances de marcher lors d’un ciblage précis des pays qui refusent de coopérer afin d’éviter une coalition d’intérêts. La France l’a fait en 2021 à l’égard de l’Algérie très peu coopératrice (34 éloignements forcés en 2021), mais aussi du Maroc et de la Tunisie avec un retour à la normale courant 2022. Ajoutons que le Conseil constitutionnel a consenti à ce que la France conditionne la délivrance de visas à la coopération en matière de réadmission. C’est un des rares articles introduit par le Sénat qui n’a pas été retoqué pour absence de lien avec le projet de loi initial.

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Michèle Tribalat

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15/01/2024

Depuis les années 1990, les opposants aux politiques migratoires européennes dénoncent la construction d’une « Europe forteresse ». Or c’est la tendance inverse qui prédomine, dites-vous. Et ce, uniquement en Europe…

J’ai essayé de dresser une typologie mondiale des régimes de contrôle de l’immigration irrégulière. L’Europe est la région du monde la plus tolérante vis-à-vis de l’irrégularité. Elle est la seule à ne pas avoir procédé à une expulsion collective depuis une cinquantaine d’années. Le Pakistan s’apprête à expulser 1,5 million d’Afghans en ce moment même ; les ordres de grandeur sont tout autres en Europe.

On constate aussi une érosion progressive de la capacité des États démocratiques à opérer un tri à leurs frontières. Cette capacité de contrôle n’est pas calculée dans le système européen mais le dernier rapport de la Cour des comptes propose une retenue de données nominatives aux frontières qui permettrait de savoir si on rencontre plusieurs fois la même personne, et donc de calculer un taux de réinterpellation. Grâce à ce genre de procédure, l’Administration américaine est capable d’extrapoler le nombre total de personnes qui auraient dû être interpellées.

Les moyens technologiques ont considérablement accru la capacité des États à repérer les franchissements aux frontières : il n’y a donc aucune incapacité matérielle à contrôler aux frontières. Mais d’un point de vue moral et juridique, les États libéraux ont de plus en plus de mal à exercer un filtrage en raison de l’émergence d’un droit d’asile et d’un droit humanitaire de plus en plus contraignant depuis les années 1970.

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Le Figaro

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12/01/2024

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Le 18 juin 2017, des trafiquants présents lors des opérations de sauvetage conduites par l’ONG allemande Jugend Rettet repartent avec les barques et les moteurs. Le 26 juin 2017, un navire affrété par Save the Children est filmé en train de parlementer avec des membres d’une milice libyenne. Un nombre important d’opérations se déroulent aussi sans même qu’un signal de détresse n’ait été émis. En effet, un réseau de volontaires s’est organisé pour faciliter les échanges sous la forme d’une association, Alarm Phone, dont l’unique objet consiste à mettre un numéro de téléphone accessible nuit et jour à disposition des personnes se retrouvant en situation de détresse alors qu’elles tentent de traverser la mer Méditerranée. Mais ce numéro peut être utilisé aussi bien par des personnes en danger que par les trafiquants directement, qui évitent ainsi de contacter les autorités libyennes compétentes dans la zone de secours (SAR). Le 5 juillet 2022, la branche espagnole de MSF (#msfprensa) annonçait ainsi que 94 % des navires secourus par son navire, le Geo Barents, n’avaient signalé leur situation qu’à des ONG et non aux services de secours.

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Le 18 juin 2017, des trafiquants présents lors des opérations de sauvetage conduites par l’ONG allemande Jugend Rettet repartent avec les barques et les moteurs. Le 26 juin 2017, un navire affrété par Save the Children est filmé en train de parlementer avec des membres d’une milice libyenne. Un nombre important d’opérations se déroulent aussi sans même qu’un signal de détresse n’ait été émis. En effet, un réseau de volontaires s’est organisé pour faciliter les échanges sous la forme d’une association, Alarm Phone, dont l’unique objet consiste à mettre un numéro de téléphone accessible nuit et jour à disposition des personnes se retrouvant en situation de détresse alors qu’elles tentent de traverser la mer Méditerranée. Mais ce numéro peut être utilisé aussi bien par des personnes en danger que par les trafiquants directement, qui évitent ainsi de contacter les autorités libyennes compétentes dans la zone de secours (SAR). Le 5 juillet 2022, la branche espagnole de MSF (#msfprensa) annonçait ainsi que 94 % des navires secourus par son navire, le Geo Barents, n’avaient signalé leur situation qu’à des ONG et non aux services de secours.

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LE DOUBLE JEU DES PAYS D’ORIGINE

Pour un bureaucrate européen, le plus frappant demeure néanmoins l’absence de consentement des pays d’origine, notamment par l’émission de laissez-passer, dans la réadmission de leurs ressortissants, alors que c’est précisément ce qui est monnayé, dans le sens inverse, lorsqu’un État européen procède à un éloignement. […] Plus généralement, c’est le cas des pays accueillant de nombreux réfugiés, qui savent tirer une rente de cette situation auprès de la communauté internationale en menaçant de refoulement cette population. Le Pakistan et le Kenya ont respectivement entamé l’expulsion de réfugiés afghans et le démantèlement du camp des Somaliens de Dadaab en 2016 et 2019, réussissant chacun à obtenir de significatives augmentations de l’aide fournie par l’Europe, les États-Unis et le Japon.

Les pays du Sud ne rencontrent en effet aucune difficulté à se notifier de façon suffisamment convaincante l’expulsion prochaine de leurs ressortissants sans que ne soit objecté par l’État de réadmission de lourds processus de vérification de la nationalité, des délais d’instruction interminables, l’agenda débordé d’un consul ou encore les impératifs de protection des données personnelles – toujours rigoureusement respectés dans ce contexte. Il est remarquable qu’un même pays puisse refuser fermement à des États européens le principe de la réadmission de quelques dizaines de ressortissants en l’admettant simultanément pour un autre pays dont on peine à croire qu’il disposerait de ressources économiques, technologiques et militaires dont la France serait démunie. Les remerciements adressés en 2023 par le Sénégal au Maroc pour le « rapatriement collectif » de quatre cents personnes illustre de façon éclatante cette différence de traitement.

Marianne

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4e de couverture :

L’immigration déchaîne les passions. Qu’on soit pour, qu’on soit contre, sait-on seulement de quoi on parle ? Les querelles d’idéologues et les batailles d’opinions empêchent le moindre débat rationnel sur une réalité pourtant toujours plus décisive. Voici, en cartes, chiffres, tableaux inédits et commentés, l’indispensable traité sur l’immigration irrégulière. Voici, pour la première fois, les faits. Rien que les faits mais tous les faits.
Pourquoi les immigrés veulent-ils entrer en France ? D’où viennent-ils ? Comment s’organisent les filières de passeurs ? Combien coûte une traversée souvent périlleuse, parfois mortelle ? Qu’en est-il du contrôle à nos frontières ? Combien d’irréguliers se trouvent sur le territoire national ? À quel rythme leur nombre s’accroît-il ? Contre les polémiques et les clichés, c’est en expert et en praticien que Maxime Guimard éclaire ces questions et, tout aussi clairement, y répond.

Analysant les causes démographiques du départ, établissant la carte des routes migratoires, il décrypte les mécanismes régissant ce trafic tentaculaire qui constitue une nouvelle traite et qui crée une situation humanitaire désastreuse. Inventoriant les lois et les circulaires, les politiques de visas, d’asile et d’éloignement, le rôle des instances publiques et politiques, mais aussi celui des juges, des avocats et des militants associatifs, il montre l’impasse actuelle dont le peu d’OQTF exécutées n’est qu’un symptôme.
Un phénomène mondial appelle une approche globale. Examiner les grandes dynamiques des flux permet de saisir l’exceptionnalisme européen dont la France se veut exemplaire. Mais au prix de quelles insoutenables contradictions ? Grâce à cette étude magistrale, on comprend enfin comment nous pourrions agir, en tant qu’État de droit, pour relever ce défi qui, crucial aujourd’hui, le sera encore plus demain.
Une somme informée, impartiale, incontournable. Un livre qu’il nous faut tous lire.
Cadre du ministère de l’Intérieur, diplômé en histoire contemporaine et en sciences politiques, Maxime Guimard est spécialiste des questions migratoires et des relations internationales. Il signe ici son premier livre, préfacé par Dominique Reynié.

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