Pour l’historien et démographe Hervé Le Bras, chercheur à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales (EHESS), il n’y a aucune raison de s’alarmer de la baisse des naissances. Et le plan du chef de l’Etat, quel qu’il soit, n’aura aucune incidence sur la natalité.
Pourquoi Emmanuel Macron s’est-il lancé dans ce discours nataliste, qui jusque-là était plutôt porté par la droite et l’extrême droite ?
Cela fait partie des marqueurs nationalistes qu’Emmanuel Macron a cherché à exprimer lors de sa conférence de presse, au même titre que l’apprentissage de « la Marseillaise » ou la relance de l’instruction civique. Il y a une tradition française qui est de voir la natalité comme une sorte de baromètre de la nation. Cela remonte à loin. […] Il y a une tradition française qui est de voir la natalité comme une sorte de baromètre de la nation. Cela remonte à loin.
Pendant tout le XIX siècle, la fécondité de la France était plus faible que celle de ses voisins. En 1800, il y avait 30 millions de Français et 10 millions d’Anglais ; en 1900, il y avait 40 millions de Français et 40 millions d’Anglais. Autrement dit, pendant que la population de la France augmentait d’un tiers, celle de l’Angleterre était multipliée par quatre ! A l’époque, faire des enfants est devenu une sorte d’impératif national. Par certains côtés, cela a eu des effets positifs : cela nous a préservés par exemple de l’eugénisme pratiqué ailleurs, comme dans les pays nordiques ou aux Etats Unis. La France n’a pas cherché à empêcher les pauvres d’avoir trop d’enfants ou à stériliser les malades mentaux.
Ce discours nataliste a-t-il toujours été réservé à la droite ?
Au début, il est plutôt républicain. En 1896, des gens comme Emile Zola font partie des fondateurs de l’Alliance nationale pour l’accroissement de la population française. Pendant l’entre-deux-guerres, le discours nataliste commence à glisser vers la droite. C’est surtout à partir de Vichy qu’il va devenir très marqué. Pendant le baby-boom de l’après-guerre, plus personne ne s’intéresse à la question, car la fécondité est élevée (entre 2,6 et 3 enfants par femme jusqu’en 1965). […]
La baisse de la fécondité et de la natalité participe au vieillissement de la population. Faut-il s’en inquiéter ?
A court terme non. Cela peut même apaiser certaines tensions. Dans les écoles, il y aura moins d’enfants par classe par exemple. Le niveau de vie des couples sera un peu supérieur, car un enfant coûte cher. A moyen terme, c’est vrai, cela peut poser des problèmes pour le financement des retraites, si la population en âge de travailler diminue. Mais c’est un problème qui se posera dans vingt ans ou vingt-cinq ans, quand la génération creuse arrivera sur le marché de l’emploi. On a le temps de s’y préparer, de rectifier par de l’immigration, comme le font l’Italie et l’Allemagne actuellement. […]
Que peut faire Emmanuel Macron pour concrétiser son « réarmement démographique » ?
Je ne sais pas, mais je suis convaincu que, quoi qu’il fasse, cela n’aura aucune incidence sur la démographie. Il propose un plan « fertilité », mais ce ne sont pas les problèmes de stérilité qui expliquent la baisse de la fécondité. C’est l’usage de la contraception : si celle-ci n’existait pas, les femmes françaises auraient chacune 7 enfants ! Comme d’habitude, Emmanuel Macron ne consulte pas les gens qui ont quelques connaissances sur le sujet. Persuadé d’avoir la science infuse, il dit n’importe quoi, comme il l’a fait sur les retraites ou sur l’immigration. Et quand il parle de « réarmement », franchement, qu’est-ce que cela signifie ? […]