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Le responsable du service arabophone de la BBC vient de recommander à ses journalistes de ne pas utiliser le mot “terrorisme” pour qualifier les auteurs de l’attentat de “Charlie”. 

“Les Nations-unies ont tenté pendant une décennie de définir ce mot, argumente-t-il sans y parvenir. C’est très délicat. Nous savons ce qu’est la violence politique, nous savons ce que sont les meurtres, les attentats et les fusillades et nous pouvons les décrire. Et cela explique bien plus de choses, à nos yeux, qu’utiliser le mot ‘terrorisme’.”

Une question pas si facile

Vu de ce côté de la Manche, où le mot a été fréquemment utilisé par les médias, cette quasi censure peut choquer. Pourquoi prendre des gants pour évoquer ces tueurs qui ont surgi brutalement dans la rédaction d’un journal pour éliminer des hommes qui croyaient à la liberté d’expression ?

Néanmoins, on aurait tort d’écarter le débat sémantique d’un geste de la main. Si, comme l’affirmait de façon excessive Roland Barthes, toute langue est fasciste, il n’en reste pas moins que la langue ne découpe pas seulement le réel, elle le construit et le juge. C’est pour cette raison que Fabius, dès septembre 2014, a parlé des “égorgeurs de Daech” et non pas de “l’État islamique”.

En l’occurrence, que faut-il penser de la proposition de Tarik Kafala, le responsable de la BBC ? Pour essayer de démêler cette question, à vrai dire pas facile, je me suis précipité sur mon “Dictionnaire historique de la langue française”. Celui-ci nous rappelle que le mot “terrorisme” naît en 1794 pour désigner la doctrine des partisans de la Terreur, puis signifie par extension “l’emploi systématique de mesures violentes dans un but politique”, pour qualifier enfin “des actes de violence exécutés pour créer un climat d’insécurité”.

Pour ménager les susceptibilités ?

Une des objections faites par ceux qui s’opposent à l’usage du mot “terroriste” est qu’il porte en lui un jugement sur la légitimité de la violence. Comme on sait – c’est un cliché –, dans toutes les guerres, les résistants sont qualifiés de terroristes par le pouvoir en place. Le résistant exerce une violence légitime pour les uns et pas pour les autres, ce qui rend la définition du terme difficile.

En l’occurrence, la situation n’a rien à voir avec celle d’un pays occupé, dans lequel une minorité lutte pour le libérer. Il n’y a pas non plus à proprement parler d’objectif politique, comme ceux qui animaient par exemple, la “bande à Baader” en Allemagne dans les années 1970. Cela pourrait justifier qu’on préfère parler de “meurtres”, d’”attentats” et de “fusillades”.

Mais on peut se demander si, au-delà de cette recherche d’une objectivité prudente, il n’y a pas d’abord une sorte de principe de précaution de langage, pour ménager la susceptibilité du public arabophone.

Et si c’était prouver qu’ils nous font peur ?

Car, au-delà des objectifs politiques, il est clair que les meurtres accomplis sont bien “des actes de violence exécutés pour créer un climat d’insécurité”.

La preuve, le plan Vigipirate poussé à son degré maximum. L’attentat contre “Charlie” est bien le prolongement de la fatwa lancée contre les dessinateurs ; celui de l’Hyper Cacher, en revanche, aurait pu se produire et peut se reproduire ailleurs, et il crée bien, ce faisant, un “climat d’insécurité”. Peut-être celui-ci est-il moindre vu d’Angleterre.

Le mot “terrorisme” contient en lui-même un point de vue : il décrit un attentat du point de vue de ceux qui en sont potentiellement victimes et qui, donc, craignent les actes de violences et le climat d’insécurité.

C’est sans doute la seule raison qui me pousserait à refuser de l’employer : non pas parce qu’il est flou, comme dit le responsable

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