Maurice Maréchal, le fondateur du Canard, meurt à Vichy, le 15 février 1942, d’une longue maladie. Le Canard a cessé de paraître près de deux ans plus tôt, le 5 juin 1940, une semaine avant l’entrée des troupes allemandes dans Paris. Mais ses journalistes se sont, dans leur majorité, dispersés dans la presse parisienne. Collaboratrice. […]
« Que sont devenus les “purs” du Canard ? s’interroge Jean Galtier-Boissière, fondateur du Crapouillot, dans son Journal 1940-1950. Si Pierre Bénard ne s’est pas mouillé, André Guérin est aujourd’hui rédacteur en chef de L’?uvre de Déat, où il a retrouvé La Fouchardière, mis jadis à la porte par Maréchal, et l’objecteur de conscience René Gérin. Auguste Nardy, gérant du Canard, signe dans la même feuille des reportages du plus mauvais aloi. Pedro dessine à Je suis partout. Quant à Jules Rivet, le grand indépendant à lavallière, l’anar des anars, ce brave Jules qui, pendant vingt ans, a vitupéré la grande presse pourrie… Il a un contrat au Petit Parisien. Oh ! pas celui des infâmes capitalistes Dupuy, mais Le Petit Parisien des hitlériens Jeantet et Laubreaux, le plus emboché des journaux boches de Paris. »
[…] [A la Libération,] d’anciens journalistes collaborateurs vont intégrer Le Canard. Fervent militant autonomiste, puis national-socialiste, breton, Morvan Lebesque rejoint la rédaction en 1952. Pendant la guerre, il avait travaillé au Petit Parisien et à Je suis partout. On le voit signer des reportages placés en première page, à côté des communiqués allemands et des dernières annonces de Hitler. A Je suis partout, Lebesque devient le secrétaire d’Alain Laubreaux, l’un des plus fidèles à « la ligne extrémiste et nazie de l’hebdomadaire », le « plus misérable des mouchards de Je suis partout », selon l’expression de Galtier-Boissière. Cela n’empêche pas Morvan Lebesque de devenir quelques années plus tard l’un des chroniqueurs les plus populaires du Canard. […] Arrivé en 1955, Moisan, le célébrissime dessinateur de La Cour, qui moquera de Gaulle et ses ministres sur une fresque d’une demi-page du Canard, a collaboré, entre autres journaux, à L’?uvre de Marcel Déat en 1943. En Une, les dessins de Moisan côtoient alors les éditos de Déat, des récits à la gloire de la Milice ou de l’armée allemande. […] Mais, dans Le Canard d’après guerre, on s’en amuse. « Un jour, au repas de midi, il y a une engueulade entre Fressoz et Moisan, raconte le dessinateur Escaro. Moisan lance des trucs méchants contre Fressoz. Il y a un silence. Et Lap de sortir : “On entendrait passer un bombardier de la Luftwaffe.” »