26/02/24
19/11/19
Cette «exigence» de diversité dans les contrats entre le groupe télévisuel public et les producteurs est-elle contraire à la loi ? Et notamment à l’article 225-1 du code pénal, selon lequel «constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur perte d’autonomie […]» ?
«Cinq piliers»
Contacté par CheckNews, France Télévisions rappelle que des clauses sur la diversité dans les contrats avec les producteurs existent depuis 2014. «Là, nous avons voulu faire en sorte de rendre ces clauses plus incitatives, explique l’entourage de la direction. Mais en aucun cas on impose des dispositions contraires à la loi, comme des statistiques ethniques ou la discrimination positive. Pas question de demander X représentants de X catégories de la population.» L’idée, explique le groupe, est de rendre compte, dans les programmes diffusés, «de la société dans sa diversité».
Et de fait, les demandes restent suffisamment générales et non contraignantes pour ne pas risquer l’illégalité. Communiquée à CheckNews, la clause de France Télévisions commence ainsi :
«L’œuvre ayant vocation à s’inscrire dans une programmation reflétant au plus près la diversité de la culture, de la société et de la population française et des étrangers vivant sur le sol de France, le contractant devra accompagner France Télévisions dans l’accomplissement de sa politique diversité en veillant à ce que l’esprit de cette clause soit respecté dans l’exécution des présentes. Il est rappelé que les cinq piliers de cette politique sont : l’égalité hommes-femmes, la diversité ethnoculturelle, sociale, le handicap et la représentation LGBT.»
«Pas très contraignante»
La clause se décline ensuite en trois chapitres, en fonction de la nature des programmes :
Concernant la fiction/animation : «Dans le cadre de cette politique, le contractant s’engage à lutter aux côtés de France Télévisions contre l’ensemble de ces stéréotypes et en particulier la diversité ethnoculturelle et sociale en intégrant une part significative de ces paramètres dans ses propositions, notamment dans la définition et le choix des personnages dès l’écriture de l’œuvre, puis dans le casting des comédiens, en s’appuyant si nécessaire sur les répertoires mis à disposition par France Télévisions.» Les répertoires de France Télévisions étant des recueils de noms d’experts «dans lesquels on peut puiser pour choisir des invités», explique la direction.
Pour les documentaires : «Le contractant s’engage à lutter aux côtés de France Télévisions contre l’ensemble de ces stéréotypes et en particulier la diversité ethnoculturelle et sociale en intégrant une part significative de ces paramètres dans ses propositions, notamment dans le choix des sujets.»
Concernant, enfin, les magazines, divertissements et jeux : «Le contractant s’engage à lutter aux côtés de France Télévision contre l’ensemble de ces stéréotypes et en particulier la diversité ethnoculturelle et sociale en intégrant une part significative de ces paramètres dans ses propositions, notamment dans le choix des animateurs, des chroniqueurs, des experts, des intervenants, des invités ou candidats, en s’appuyant, si nécessaire, sur les répertoires dont dispose France Télévisions.»
Contactée par CheckNews, l’avocate Emmanuelle Boussard-Verrecchia, pour sa part, juge cette clause «pas très contraignante». Selon elle, il s’agit davantage d’«une déclaration d’intention, qui a le mérite d’exister, mais qui reste dépourvue d’objectifs chiffrés». Par ailleurs, «pour avoir une efficacité juridique dans un contrat, une clause doit prévoir une sanction, or là je n’en vois pas». Dans ces conditions, cette clause est loin d’être illégale, d’après l’avocate.
Un choix prudent qui ne rendrait pas la démarche inefficace pour autant, selon la direction : «Cette diversité fait partie de notre grille d’appréciation, et quand on explique cela à un producteur, il comprend très vite, de lui-même, qu’il est normal de représenter la société civile telle qu’elle est.»