Belgique – (…) Nora n’est effectivement pas la seule à rêver. D’autres l’ont fait avant elle et ont sauté le pas. Depuis une dizaine d’années, beaucoup de Belges d’origine marocaine font le chemin inverse de leurs parents ou de leurs grands-parents qui ont immigré ici en Belgique.
Auparavant, c’était plutôt le fait de retraités, qui allaient y passer leurs vieux jours. Actuellement, ce sont des personnes en âge de travailler qui partent s’installer et poursuivre leur carrière au Maroc. C’est ce qu’Hicham Jamid, sociologue des migrations internationales et chercheur postdoctoral à l’Institut (français) de Recherche pour le Développement, appelle une migration à l’envers.
Un phénomène tangible
On ne dispose pas de chiffres (la double nationalité complique l’établissement de statistiques), mais les chercheurs et les membres de la communauté le confirment, c’est un phénomène tangible.
“Je rêve de retourner vivre au Maroc, s’enthousiasme Nora. Il y a déjà le climat, le climat de vie et le climat au sens propre. J’y vais presque chaque année. Mes parents ont une maison à Tanger, c’est une grande facilité, je n’aurai pas de souci de logement. Et je prévois de travailler en tant qu’enseignante là-bas aussi, de préférence dans une école belge pour garder mon niveau de salaire.”
Ismael, lui, est déjà passé par toutes ces réflexions. Il est de passage dans la maison de ses parents à Grimbergen, mais il vit à Tanger depuis 2020 avec sa femme et ses trois ados. Il est architecte en informatique. Le développement du télétravail l’a aidé à s’expatrier. Un choix qu’il a fait pour différentes raisons, dont l’envie de mieux comprendre ses origines.
“Je n’étais pas dans une crise identitaire mais, en grandissant, j’ai commencé à me demander qui j’aurais été, si mes parents étaient restés au Maroc. Ça m’a réjoui d’aller voir d’où viennent mes parents, et dans quel contexte j’aurais pu vivre aussi. Or, ça s’est joué à des détails parce que, quand les parents ont pris une décision, j’imagine qu’ils n’ont pas fait un business plan pour y aller !”
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Mieux vivre sa religion
Dans les témoignages, la volonté de pouvoir vivre sa religion plus sereinement revient régulièrement. C’est le cas de Nora, l’institutrice : elle souhaiterait par exemple porter le voile au travail. Et cela fait aussi partie des motivations d’Ismael.
“En Belgique, ces questions liées à l’islam, comme le port du voile ou l’abattage rituel, drainent beaucoup de crispation, déplore-t-il. Ça stigmatise aussi un peu la population marocaine. Je pensais que ça allait passer, mais je vois que ça revient systématiquement sur la table. Je crois que si on veut apprendre sereinement sa religion, on le fait plus facilement au Maroc qu’en Belgique.”