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Accepter le tri des élèves, c’est accepter que dans toute la vie sociale, on abandonne les plus fragiles, dénonce, dans une tribune au « Monde », un collectif de plus de trois cents personnes, essentiellement des professeurs et des parents d’élèves.

Dans cette 5e, M. est un très bon élève. Y. ne maîtrise pas la lecture. Arrivé en France à l’âge de 8 ans, A. rencontre encore des difficultés de compréhension. Ce jour-là, quand M. se met à pleurer et confie à son enseignante les problèmes de sa famille, ses deux copains A. et Y. restent avec lui pour le soutenir. Quand l’un d’eux a besoin d’aide, M. est là pour lui. Aucun d’eux ne songe ni à s’enorgueillir ni à avoir honte de son niveau scolaire. Ils sont amis.

S. est agressive, perturbatrice. Sanctionnée, elle est envoyée dans le dispositif UPE2A [unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants]. L’enseignante lui demande d’aider une élève allophone non lectrice. En quelques secondes, S. est métamorphosée. Elle engage dans cet étayage son intelligence, ses facultés de concentration, sa gentillesse qu’elle cachait. Ces « travaux d’intérêt général » ont sur elle des effets bénéfiques qui se prolongeront toute l’année. S. s’est réconciliée avec l’école en rencontrant cette petite si fragile, en devenant pour elle quelqu’un qui compte.

Quant à cette petite élève que S. a aidée, arrivée en France à 11 ans sans scolarisation antérieure, elle est aujourd’hui au lycée général. Soutenue par les enseignants, placée dans des classes d’élèves de niveaux différents mais plutôt calmes et motivés (il y en a bien plus que ce que certains prétendent), elle a construit ses fondamentaux, rattrapé l’essentiel de son retard et est devenue une jeune fille épanouie.

Lorsqu’on est enseignant ou parent en REP [réseau d’éducation prioritaire] et REP +, on ne rencontre pas que des problèmes. On voit souvent de belles histoires où l’humanité s’épanouit, où grandir ensemble a du sens. Pourtant, l’ambition d’accueillir ensemble les élèves en offrant à chacun une chance de réussir est aujourd’hui reniée et vue comme illusoire. […]

Le ressentiment lié au sentiment de relégation présent chez bon nombre d’adultes n’épargnera pas les plus jeunes. Les groupes de niveau risquent à terme de renforcer la fracture sociale, de nourrir des logiques électorales dévastatrices. Pourquoi créer de nouveaux clivages dans une société déjà malade de son archipélisation ? […]

Le Monde

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