08/03/2024
06/03/2024
“Si je reste là, vous me retrouverez à la morgue.“ Ces mots, ce sont ceux prononcés par Rose-Marie Albertini à ses parents, lors de sa mutation, de laquelle l’enseignante se dit “traumatisée”. Aujourd’hui arrêtée à cause d’une lourde dépression, la vingtenaire est finalement rentrée chez elle, en Corse. Mais pas dans les conditions souhaitées.
“Je faisais des crises d’angoisse à répétition puis je suis devenue insomniaque… J’adore enseigner mais ma santé mentale est plus importante”, pose la détentrice du Caplp, diplôme équivalent au Capes dédié à l’enseignement en lycée professionnel.
Tout débute en 2022 quand l’enseignante d’anglais et de français est mutée à Bron, ville de la banlieue lyonnaise, pour son année de stage. “Je ne m’y attendais vraiment pas“, explique-t-elle. Rose-Marie prend sur elle et se lance dans une aventure dont elle n’aurait jamais imaginé l’issue. “À partir de là, ça a été la descente aux enfers”, confie la jeune femme, qui, une fois le pallier de la salle de cours passé, déchante instantanément.
“On nous a appris à gérer des élèves insolents ou bavards en Corse, mais c’est rien à côté de ce que j’ai vécu…” Face à des profils différents de ceux qu’elle a côtoyés, l’enseignante pleine d’ambition s’accroche et décide de prendre à la dérision les surnoms donnés ouvertement par certains de ses élèves. Mais petit à petit, les tensions montent crescendo. Et elle se retrouve désemparée. “On ne nous prépare pas à recevoir des menaces de mort et des insultes par un élève de deux mètres, ni à voir des élèves se masturber en cours, ni à en voir un quiessaie d’étrangler son camarade, à retrouver son rétroviseur cassé parce qu’on dit à l’un d’eux d’enlever sa casquette, à se faire pousser en entrant dans la classe…”, s’emporte-t-elle. Insultes, menaces de mort, bousculades et rétroviseur cassé finiront par rythmer son quotidien. Un quotidien qui, rapidement, n’en sera plus un.
“J’ai fini par avoir peur de faire cours”, admet-elle. Une fois l’année scolaire terminée, le retour en Corse auprès des siens la soulage mais témoigne d’importantes séquelles psychologiques. “Quand je croisais quelqu’un qui ressemblait à l’un des élèves qui m’avait menacée de mort ou poussée, ça m’angoissait”, retrace Rose-Marie.
Mutée, en septembre dernier, à Rosny-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, elle n’y restera qu’une semaine. “Je n’ai pas pu tenir et aujourd’hui, je suis arrêtée, car à un moment il faut se dire que si mentalement nous ne sommes pas bien, on ne peut pas dispenser des cours corrects pour nos élèves.”
Longtemps en colère, l’enseignante, qui a passé l’habilitation en langue corse – qui permet d’enseigner une matière en langue corse – “pour augmenter les chances de rester sur l’île”, refuse de se résigner. “Je suis certaine d’avoir à nouveau Créteil cette année, mais je vais me battre pour avoir mon poste en Corse”, car, elle l’assure : “Malgré tout ce que j’ai vécu, je ne me vois pas faire un autre métier que prof pour l’instant.”