La capitale belge serait devenue une plaque tournante pour les stupéfiants en provenance d’Anvers. Les fusillades se sont multipliées ces derniers mois.
Fabrice Cumps, le maire d’Anderlecht, est formel : « Ce quartier n’est pas une zone de non-droit. » Au bas du Peterbos, une zone de logements sociaux avec dix-huit immeubles d’une dizaine d’étages, devenu le principal lieu de trafic de drogue de la capitale belge, des chariots de supermarché sont amassés, dans le but évident de retarder une intervention de la police locale.
En plein jour, on peut se promener sans difficulté dans ce quartier où l’on repère un potager, un terrain de jeu et une piste de skateboard, du moins si l’on ne tente pas d’y pénétrer en voiture : ce matin du 28 février, un livreur est arrêté par deux adolescents encapuchonnés, et forcé de montrer ses papiers et sa carte d’identité. Plus loin, un gamin qui n’a pas 14 ans joue les guetteurs.
Selon une pratique bien connue, il est là pour alerter les vendeurs. Ceux-ci opèrent désormais jour et nuit au bas des immeubles aux 6 000 habitants, en fonction de leur spécialisation : cocaïne, cannabis, crack, héroïne… « Ils ne vous embêteront pas si vous ne leur posez pas de questions. Mais ne leur dites surtout pas que vous êtes journaliste », prévient une promeneuse qui tire un chariot de courses. Elle refuse d’être nommée mais dit avoir assisté, il y a deux semaines, au caillassage de la voiture de deux reporters néerlandophones repérés à caused’un appareil photo.
Deux mille arrestations en six mois
Les policiers ? « Oui, on les voit parfois, poursuit cette habitante. Mais quand ils arrêtent des gamins, ceux-ci sont remplacés le lendemain. Le trafic rapporte trop d’argent aux chefs… » Eric Jacobs, chef de la police judiciaire fédérale à Bruxelles, confiait, à l’été 2023, que les gros bonnets des réseaux à l’œuvre dans ce secteur vivraient « à Dubaï, en Turquie ou en Albanie ». Ces hommes, en contact avec des cartels sud-américains, utiliseraient désormais aussi la capitale belge comme plaque tournante. La drogue, en provenance du port d’Anvers, y serait vendue en grandes quantités, mais aussi expédiée vers d’autres pays.
« Ces bandes recrutent des mineurs, des illégaux, des drogués », explique M. Cumps, à la tête d’une commune qui a aussi connu des fusillades au cours des derniers mois. En septembre 2023, un règlement de comptes particulièrement violent a eu lieu : quatre hommes armés de kalachnikovs ont mitraillé de dix-sept balles le conducteur d’une voiture, avant d’incendier leur propre véhicule. La zone de police Midi, dont fait partie Anderlecht, a procédé à 2 000 arrestations liées aux stupéfiants au cours des six derniers mois.
Face au trafic de drogues, Bruxelles va cartographier ses hotspots
Le ministre-président bruxellois Rudi Vervoort (PS) et la directrice de l’administration chargée des questions de sécurité (safe.brussels) Sophie Lavaux ont présenté lundi le dispositif prévu pour lutter contre le trafic de drogues et ses nuisances dans la capitale.
Depuis près d’un an, la violence liée au trafic de stupéfiants se fait de plus en plus visible dans la capitale. En témoigne le nombre de fusillades en nette augmentation. La majeure partie d’entre elles seraient directement rattachées au trafic de stupéfiants et à la lutte de territoires entre bandes rivales. Le 20 février dernier, trois bourgmestres concernés par le phénomène, le Saint-Gillois Jean Spinette (PS), l’Ixellois Christos Doulkeridis (Ecolo) et l’Anderlechtois Fabrice Cumps (PS), exprimaient dans nos colonnes leurs difficultés, mais aussi leur détermination, face à la problématique. Le trio soulignait le besoin d’un plus grand soutien et d’une meilleure coordination.
Ce lundi, le ministre-président bruxellois Rudi Vervoort (PS) a présenté la réponse régionale à l’aggravation du trafic de drogues dans la capitale. En compagnie de la directrice de safe.brussel (l’administration chargée des questions de sécurité), le socialiste a exposé la stratégie de lutte contre le trafic de stupéfiants. Celle-ci consiste à concentrer les efforts sur un certain nombre de zones prioritaires (appelées hotspots).
Rudi Vervoort fera ainsi bientôt passer un arrêté de police valable pour tout le territoire régional. Le document devrait contenir certaines mesures concernant l’ensemble de la capitale et d’autres uniquement ces fameux hotspots. Dans le premier cas, les mesures pourraient être l’interdiction de la vente de gaz hilarant ou encore d’utilisation et de vente de feux d’artifice. Dans le second, le dispositif législatif devrait prévoir l’interdiction de vendre et consommer de l’alcool sur la voie publique entre 22h et 6h, mais aussi l’autorisation de la saisie d’objets dangereux ou qui facilitent la consommation de stupéfiants.
(Merci à Ethernum)