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De tout temps, les jeunes ont utilisé un vocabulaire compris d’eux seuls. Mais d’où vient leur amour pour ces mots issus de la culture populaire ? Ils ont vingt ans et ils aiment ponctuer leurs phrases avec des mots comme «wesh», «cheh» ou encore «miskine». Gaëtan* et Raphaëlle*, étudiants de 20 ans, à HEC pour l’un et en médecine pour l’autre, font partie de ces jeunes issus de classes moyennes ou aisées qui utilisent des mots issus de l’arabe à tout bout de champ.

 «Parmi mes amis, tout le monde parle comme ça», indique Raphaëlle qui emploie le mot «hassoul». À la question de savoir si elle connaît la signification de ce mot, l’étudiante répond de tout go : «Ça veut dire “bref” en arabe, mais on l’utilise pour dire “bon en gros pas grave on s’en fiche”.» Gaëtan utilise aussi le mot «wallah» mais «que par mess» (comprendre «message»). «J’ai un ami qui y a recours, c’est une façon de mettre de l’emphase», explique ce grand brun.

Comment ce vocabulaire est-il arrivé dans leurs conversations ? Les deux jeunes écoutent beaucoup de musique sur l’application Deezer, Gaëtan est un amateur de musique rap, et regardent, comme de nombreuses personnes de leur génération, des vidéos sur internet qui véhiculent ce genre de vocabulaire issu de la culture urbaine. «Au début, on utilise un mot pour rigoler et après ça reste dans nos habitudes», indique Raphaëlle. Néanmoins, si leurs parents les ont déjà entendus prononcer des mots incompréhensibles, ils emploient très rarement ce registre-là à la maison.  […]

Selon les chiffres de l’Insee, ce sont les migrations en provenance du Maroc qui sont majoritaires depuis quelques années. Sortie de la sphère familiale, la langue du pays d’origine se distille alors dans la langue française. «La communauté arabophone est une communauté forte de son identité qui ne la perd jamais et qui se renforce avec les années», remarque la sociolinguiste Yana Grinshpun, analyste du discours et maître de conférences à l’université Sorbonne-Nouvelle.  […] […] . Avec l’école, les mots franchissent la barrière des milieux sociaux. «L’école est une sorte de fabrique de la langue commune, analyse la sociolinguiste. Les jeunes qui viennent de familles aisées, qui utilisent la langue normative, entendent ces nouveaux mots.» Par imitation naturelle, ils vont les reprendre à leur compte «pour plaire aux autres» mais aussi parce qu’ils sont «extrêmement conformistes». Pour Jean Pruvost, il y a ici «un réflexe d’intégration qui a toujours existé». «Pour les élèves qui s’expriment bien, parce que leur milieu familial s’y prête, il y a un peu le complexe du modèle et pour s’intégrer, ils n’hésitent pas à utiliser un langage moins châtié, comme les autres», continue-t-il.  […]

*[Les prénoms ont été changés]

Le Figaro

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