Ça recommence. Chantal a les larmes aux yeux. À chaque fois qu’elle passe dans la rue Dorée, l’artère commerciale de Montargis (Loiret), la tristesse la prend aux tripes. « Regardez, on dirait qu’il y a eu un bombardement ! » lâche cette habitante de 70 ans en montrant, d’un geste malheureux, l’angle de la rue. La pharmacie de la place Mirabeau n’est plus qu’un trou béant, couvert de graviers et de jardinières. L’imposante ossature en bois qui maintient l’immeuble voisin a été décorée de papillons bleus, jaunes, rouges. La tentative joyeuse n’efface pas la cicatrice à vif laissée par les émeutes, il y a un an.
À l’été 2023, des violences urbaines secouent le pays après la mort de Nahel, tué par un policier à Nanterre. Montargis, pourtant si calme, avec ses 14 000 boîtes aux lettres, bascule une nuit en enfer. Le soir du 29 juin, 300 jeunes cagoulés défigurent la ville : officine incendiée, plusieurs immeubles à terre, près de 25 magasins éventrés, pillées et voitures brûlées. Traumatisme indélébile. De la violence et des cendres ont jailli la colère des habitants. Et une solution : voter RN. Chantal, ex-socialiste, choisira le visage de Jordan Bardella aux élections législatives. « Je veux qu’on sévisse. »
« On veut de la tran-qui-lli-té »
Avec 30,5 % des voix en sa faveur aux élections européennes, soit 8 points de plus qu’en 2019, Montargis, la Venise du Gâtinais, lui est acquise. Le cœur du Loiret bat pour l’eurodéputé, présent vendredi dernier, à Chuelles, à 20 km de là, lors de son premier déplacement des législatives. « On veut de la tran-qui-lli-té », articule un passant. Dans les rues silencieuses, on répète qu’il y en a marre de l’insécurité et du désordre, ou comme le clame Chantal, « de la racaille ». Elle a cru la fuir, dit-elle, il y a trois ans, lorsqu’elle a quitté Chalette-sur-Loing, banlieue de Montargis, où sévissent des trafiquants de drogue. « Ils postaient leur chaise devant ma porte, ils buvaient beaucoup et frappaient chez moi en pleine nuit. J’avais tellement peur que je dormais habillée. » Deux éboueurs, croisés dans une ruelle, acquiescent. « Là-bas, on ramasse des sachets de haschich à même le sol », se désole l’un. Tandis que l’autre n’oubliera jamais le lendemain des émeutes : « On a passé la journée à balayer le verre cassé. » Eux aussi croient en Bardella.
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« Les plus âgés ont la trouille »
Dans les rues, les stigmates des émeutes se lisent sur les visages fermés des commerçants et les devantures d’une dizaine de magasins, encore calfeutrées derrière de lourds panneaux de bois. Camaïeu est inaccessible, Eden Park a changé d’adresse, un immeuble, totalement détruit, n’en a plus. « On a perdu 40 % de chiffres d’affaires, peste un commerçant, qui a réparé sa vitrine 6 000 euros à ses frais. Les plus âgés ont la trouille. Ils ne viennent plus dans le centre-ville, passé 18 heures. » De ce désamour, on ne parle pas. C’est un crève-cœur. À la violence impardonnable des émeutiers s’ajoute le ras-le-bol des « profiteurs », martelé à tire-larigot. À écouter un grand nombre, Montargis serait coupé en deux : travailleurs contre tire-au-flanc. « On est le pays de l’assistanat : partout dans la ville, des jeunes qui zonent au lieu d’aller bosser et profitent des aides », lâche le commerçant qui fait vite le lien avec les immigrés.
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Merci à Jhj.