C’est avec gravité qu’Anne Hidalgo, mercredi 19 juin, a analysé la situation politique, dix jours après la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, et trois semaines avant une possible arrivée du Rassemblement national (RN) au pouvoir : « Je suis la maire d’une ville pleine d’espérance, prête à se battre contre ceux qui voudraient voir refoulé loin d’elle son legs humaniste. » En fait la sociologie de la capitale, où se côtoient classes favorisées et immigrés, explique en grande partie cette spécificité.
Sa fierté d’incarner cette exception culturelle, la maire de Paris l’appuie sur des résultats électoraux traditionnels dans la capitale, où le RN n’a jamais réalisé la moindre percée significative. Lors des élections européennes de 2024, la capitale et sa petite couronne sont les seuls départements de France métropolitaine qui n’ont pas placé en tête le parti de Jordan Bardella. Avec 8,5 % des voix, la liste parisienne RN, même si elle progresse d’un point par rapport aux européennes de 2019 (7,2 %), émerge en sixième position, loin des 31,3 % réalisés au niveau national par le RN. […]
Pour pour Florent Gougou, enseignant-chercheur à Sciences Po Grenoble : « Le RN s’est nettement renforcé dans ses zones de force et a très peu progressé (voire stagné) dans ses zones de faiblesse. Le RN est structurellement faible à Paris en raison de la sociologie de la ville. Paris concentre des citoyens avec un très haut niveau d’instruction et des populations issues de l’immigration venue d’Afrique, deux segments de la population peu hostiles à l’immigration. Or c’est encore aujourd’hui une condition nécessaire (mais pas toujours suffisante) pour voter RN. »
Un haut degré d’instruction corrélé à une concentration massive des richesses, des services publics, des centres de décision politico-économiques et des élites. « Dans les grandes villes, connectées à la mondialisation, poursuit Florent Gougou, on est dans la marche du monde. On ne partage pas le quotidien de ceux qui sont éloignés des commodités, sujets à des mobilités contraintes pour pouvoir se soigner ou ne serait-ce que pour aller à la rencontre du moindre service public. »
Pour M. Gougou, même si la réticence de l’électorat parisien à voter RN est « plus puissante qu’ailleurs, la capitale n’est pas un cas exceptionnel. Les grandes agglomérations votent peu RN ; pour les mêmes raisons. » […]
M. de Saint-Just , l’ancien conseiller régional RN d’Ile-de-France ,veut y voir « l’histoire éternelle de la bourgeoisie d’argent qui vote en fonction de son portefeuille et déteste tout ce qui peut changer. C’est pour ça qu’Emmanuel Macron a fait un score considérable à Paris, en 2017 [34,8 % au premier tour] » . […]