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Que votent les agents du service public ? Comme à chaque élection majeure, Luc Rouban, directeur de recherche au CNRS, les a interrogés pour l’Ifop. Parmi les chiffres les plus marquants : celui du vote des enseignants (professeurs des écoles, enseignants et professions scientifiques). Près d’un sur cinq a l’intention de glisser dans l’urne un bulletin d’extrême droite au premier tour des législatives, dimanche 30 juillet. Autant qu’en 2022, mais six fois plus qu’en 2012, où ce vote culminait à 3 % ! Une évolution « guère surprenante », dit-il, si l’on retrace les différentes crises qui ont provoqué l’affaiblissement de l’Éducation nationale depuis dix ans. Chiffres à l’appui, le chercheur nous explique les raisons de ce glissement.

Que s’est-il passé en 2012 et 2020 pour faire basculer à ce point les professeurs ?

C’est un long glissement plutôt qu’une bascule brutale. Il y a eu ces dernières années une série d’événements qui ont contribué à affaiblir l’institution scolaire : Covid, réformes à répétition, manque de personnel, attentats contre Samuel Paty, contre Dominique Bernard, menaces contre les professeurs, agressions, contestation d’autorité, remises en cause du principe de laïcité à l’école, manque de soutien de la hiérarchie, sentiment d’abandon, de déclassement… Tous ces problèmes n’existaient pas dans ces proportions il y a dix ans. Ils ont contribué à alimenter un fort sentiment d’abandon, de mépris, et de déclassement des professeurs. Or, on le sait, toutes ces choses jouent un rôle moteur dans le vote pour le Rassemblement national. Ce glissement des profs vers l’extrême droite est symptomatique de la crise qui traverse l’Éducation nationale. […)

L’Éducation nationale représente 1,2 million d’électeurs sur 48,8 millions. Cet électorat peut-il faire basculer une élection ?

Non, car l’abstention se retrouve chez les professeurs dans les mêmes proportions que dans le reste de la population, c’est-à-dire autour de 50 %. Mais je trouve cette évolution du vote des professeurs très symbolique, parce que cela montre qu’une partie de l’élite, avertie, éduquée, informée, est prête à se rallier au RN. Ce n’est plus vrai de dire que les électeurs du RN ne sont pas diplômés.

Les enseignants qui continuent de voter à gauche ont-ils, eux aussi, évolué ?

Ils ne sont pas plus nombreux qu’en 2022, et même en légère baisse puisqu’ils sont passés de 49 % à 47 % en 2024. Ce qui a changé, en revanche, c’est leur radicalité sur certains sujets. À la question « pensez-vous que la France devrait passer à un modèle de démocratie multiculturelle », 42 % des personnes interrogées ont répondu oui. Principalement des électeurs de gauche. Je trouve cela effrayant, car un tel projet n’est pour moi pas compatible avec le modèle français républicain !

Le Parisien

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