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La pire inconnue pour Alger serait évidemment un pouvoir issu du RN et un Jordan Bardella premier ministre. Là, c’est le saut dans le vide pour le système algérien : des interlocuteurs inconnus, jeunes, n’ayant jamais exercé le pouvoir, ignorants de l’Algérie et de ses règles comme de son système, réputés proches des pieds-noirs et n’ayant jamais fait le « voyage à Alger » préalable habituel à toutes les élections françaises. Tout ce qu’Alger connaît d’un Jordan Bardella, c’est son discours sur l’immigration et la promesse de renégocier ou mettre fin à l’accord franco-algérien sur l’immigration du 27 décembre 1968. Lorsque Édouard Philippe, Éric Ciotti, Manuel Valls, le RN et Éric Zemmour ont, quasiment d’une seule voix, appelé à mettre en œuvre les préconisations de la note de la Fondapol sur l’abrogation de l’accord de 1968, Alger a compris que l’affaire devenait sérieuse et qu’il fallait réagir.

Or, dans une campagne électorale algérienne, puisque les élections algériennes suivront les françaises, Tebboune a besoin d’un appui parisien, appui suffisamment explicite pour rassurer mais suffisamment discret pour continuer à critiquer la France. Le pouvoir algérien avait dès lors construit sa relation future avec Paris, à l’occasion de la visite d’État prévue à l’automne, autour de quatre points. D’abord, la consolidation de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, que des esprits chagrins ont déterré et critiqué et auquel ces derniers voudraient mettre fin. Alger comptait bien maintenir les avantages exorbitants obtenus en 1968 et toujours valables et les consolider. Il semble peu probable qu’un gouvernement Bardella renonce à abroger cet accord.

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Tebboune avait sans doute imaginé signer un traité ou une déclaration d’amitié entre la France et l’Algérie : ce « traité d’Amboise » (appelons-le ainsi) que la légende aurait pu comparer au traité de l’Élysée de 1963 et qui aurait dû sceller un « partenariat stratégique » franco-algérien. Avec Jordan Bardella, on voit mal une telle déclaration. Enfin, il faudrait prendre en compte le positionnement d’un nouveau gouvernement français vis-à-vis de Rabat et de l’épineuse question du Sahara occidental.

Finalement, rien ne se passe donc comme prévu et l’Algérie doit se féliciter de n’avoir pas à se frotter aux urnes et ne dépendre que des généraux. La dissolution de l’Assemblée nationale en France rebat les cartes au Maghreb et a des répercussions non seulement en France mais aussi de l’autre côté de la Méditerranée. Les conciliabules entre les présidents Macron et Tebboune à Bari, lors du G7 sont destinés à rassurer l’opinion algérienne : tout devrait continuer comme avant avec une éventuelle cohabitation en France. Mais il est clair que la période qui s’ouvre est loin d’être un long fleuve tranquille pour le pouvoir algérien.

Le Figaro

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