«Son fils aîné – le second est mineur a glissé un bulletin “Jordan Bardella” dans l’urne aux européennes. «Je ne comprends pas», insiste la maman dans cette brasserie de Seine-Saint-Denis à moitié vide. Isabelle, 53 ans, se réveille au milieu des nuits. Charles récidivera trois semaines plus tard lors du premier tour des législatives. Comment l’extrême droite a-t-elle réussi à franchir la porte de sa maison ? Charles, 20 ans, est le premier de sa famille à rouler pour le Rassemblement national. «J’ai déjà croisé des électeurs, des connaissances lointaines et sans importance qui ont voté Le Pen, mais jamais dans la famille. Jamais, souffle Isabelle. C’est la première fois et c’est douloureux.» (…)»
«Le serveur lui apporte son jus de pomme. Charles parle de tout sauf de son vote. «Il fait toujours ça», lâche la mère, amère. Il sourit. Je tente de comprendre : «Pourquoi refuses-tu de parler de politique avec tes parents ?
― Ils ne veulent pas discuter mais me faire changer d’avis.
― Ils cherchent aussi à comprendre ton vote.
― Peut-être, mais il n’y a rien à comprendre. Depuis que je suis tout petit, mes parents me disent que je suis libre de faire ce que je veux, qu’ils m’accompagneront. Et aujourd’hui, parce que mon vote ne leur convient pas, ils se braquent.
― Tu ne comprends pas leur état ?
― Je ne suis pas un raciste et je ne suis pas militant, voilà. Je ne suis pas en train de dire que je vais voter toute ma vie pour la même personne. Mais aujourd’hui, c’est le vote qui me va bien, c’est comme ça.» (…)»
«Le couple tente de se projeter en discutant des lendemains. Je n’existe plus. Ils s’enferment dans une bulle pleine de culpabilité. Paul ouvre la voie. Isabelle lui répond : «Il ne faut pas se presser. Nous avons un peu de temps devant nous, les prochaines élections se dérouleront au plus tôt l’an prochain en cas de nouvelle dissolution. Nous devons, en tant que parents, faire notre examen de conscience pour essayer de savoir les raisons qui ont poussé notre fils vers le Rassemblement national.
― Je suis d’accord. On doit peut-être refaire un peu le film, tout reprendre, et essayer de trouver le moment où nous avons raté quelque chose.» (…)»