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Le groupe Microsoft a notamment annoncé qu’il allait investir 4 milliards d’euros dans la construction de centres de données en France. Pour les membres du groupe de réflexion Prométhée*, seule la production matérielle permettra de récupérer notre souveraineté industrielle.

Dans la foulée du dernier sommet de « Choose France » – il semble que dans le monde de 2024 « choisir la France » fait ringard – des investissements mirobolants ont été annoncés. Parmi ceux-ci, deux ont mérité une attention spéciale de la communication élyséenne : celui de Microsoft, qui prévoit 4 milliards d’euros dans la construction de centres de données (« datacenters ») ; celui du géant de la logistique Amazon, qui propose d’investir 1,2 milliard d’euros dans les services du « cloud » et dans la logistique de livraison de colis.

Pourtant, il faut le dire clairement : on n’industrialise pas un pays en créant des entrepôts, qu’ils stockent des données ou des denrées. L’industrie, ce n’est pas ça. Parler d’industrie, c’est, qu’on le veuille ou pas, parler de production matérielle. En ce siècle où tout se dématérialise, il peut paraître anachronique d’évoquer la production matérielle. Et pourtant, il ne faut jamais perdre de vue cette réalité : nous sommes des êtres matériels, avec des besoins tout aussi matériels. Quel que soit le développement des services et des biens « virtuels » , il n’en reste pas moins que nous nous nourrissons de matière, que nous vivons dans des maisons matérielles. Même les services les plus « virtuels » ont besoin d’un support matériel.   […]

C’est cela qui permet de comprendre que la Russie puisse tenir économiquement : avec un PIB comparable à celui de l’Allemagne, elle fait face à une guerre coûteuse et aux sanctions massives imposées par l’Occident. Une situation qu’aucun pays européen, pas même l’Allemagne, ne pourrait soutenir. L’explication se trouve dans le fait que l’économie russe reste, beaucoup plus que les économies occidentales, centrée sur la production industrielle, qui représente toujours un tiers du PIB russe, contre 27 % pour l’Allemagne et 17 % pour la France. […]

Il ne faut pas hésiter à pratiquer un protectionnisme avec des instruments divers – politique du crédit, politique monétaire, protection des marchés publics, campagnes de communication, aides d’État – comme le font les autres puissances économiques.

Ne nous voilons pas la face : le « marché libre et non faussé » n’existe que dans le cerveau des bonzes de Bruxelles. Ailleurs, Joseph Biden et Xi Jinping sont tout à fait d’accord pour subordonner le libre marché aux intérêts stratégiques des leurs pays, et ne se gênent pas pour accorder des aides d’État ou réserver les marchés publics quand ceux-ci sont en jeu. La guerre en Ukraine et la pandémie ont ramené la question sur le devant de la scène : la capacité à faire des choix autonomes est intimement liée au contrôle de la production industrielle. Une France incapable de fabriquer de l’aspirine, des masques, des obus, des drones ou des machines-outils sera par force une France dépendante des choix faits ailleurs. Et mille « datacenters » n’y changeront rien.

* Les signataires : Philippe Charlez, expert énergie Institut Sapiens ; Jean de Kervasdoué, membre de l’Académie des technologies ; Marc Fontecave, professeur au Collège de France ; Loïk Le Floch- Prigent, entrepreneur ; Pierre Lévy, rédacteur en chef de « Ruptures » ; Jean Pelin, membre du Comité national de la chimie ; Alain Vaudrey, journaliste.

Le Figaro

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