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 « E fora a Francia » (« Dehors la France »), « Statu francese assassinu » (« Etat français assassin »). Le sigle a changé, pas les slogans. Le nouveau parti indépendantiste corse, Nazione, fondé le 28 janvier, a participé à ses premières rencontres internationales de Corte (Haute-Corse) dont la 42e édition se tenait samedi 3 et dimanche 4 août dans la ville universitaire et bastion du nationalisme insulaire. Nazione n’est pas le simple successeur de Corsica libera, mais un regroupement plus large, destiné à refonder et élargir le courant indépendantiste. Petr’Anto Tomasi, l’un des porte-parole de Nazione plaide l’inscription de la Corse sur la liste des territoires non autonomes des Nations unies.

La naissance de Nazione répond à un appel lancé il y a un an par le Front de libération nationale de la Corse (FLNC), revenu sur le devant de la scène en organisant une « nuit bleue » dans la nuit du 8 au 9 octobre 2023, la plus importante depuis plus d’une décennie : quelque vingt-cinq attentats ou tentatives ont visé en majorité des résidences secondaires vides ou en construction. […]

Si l’ordre du jour officiel des 42e Journées internationales de Corte, qui se tiennent sur le parking du Musée de Corse, dans l’enceinte de la citadelle qui domine la ville, était la « solidarité internationale » –avec des délégations venues de Nouvelle-Calédonie, de Guyane, des Antilles, de Catalogne, de Kabylie, de Bretagne, de Sardaigne ou du Pays basque –, deux préoccupations ont surtout occupé les esprits : les événements de Nouvelle-Calédonie, dans lesquels Nazione veut voir un miroir de l’avenir de la Corse, et l’explosion du score du Rassemblement national (RN) en Corse, que ce soit aux européennes ou aux législatives, auxquelles le nouveau parti indépendantiste avait choisi de ne pas participer. Le point commun de ces deux faits en apparence éloignés ? La composition du corps électoral qui est en train d’émerger comme un véritable sujet de débat dans la sphère nationaliste corse, chez les indépendantistes comme pour les autonomistes. […]

« La Corse est passée de 250 000 à 350 000 habitants ces vingt dernières années alors que sa natalité est en chute. Cet apport de population s’apparente à une colonisation de peuplement par l’Etat français » , affirme Petr’Anto Tomasi, l’un des porte-parole de Nazione. Pour lui, là est l’explication d’un vote RN qui dépasse les 40 % sur l’île : ce serait un « vote communautaire français » surtout porté par les nouveaux arrivants sur l’île. « Il serait absurde toutefois de prétendre que des Corses ne votent pas pour le RN, concède M. Tomasi. C’est à nous de leur faire comprendre que c’est contraire à leurs véritables intérêts. Car l’extrême droite est aux antipodes de nos valeurs et elle défend des positions contraires à l’expression de la souveraineté du peuple corse » , poursuit-il.

Nazione déduit de ce constat qu’il faut mettre en place un statut de résident qui réserverait le vote aux habitants présents depuis plus de dix ans. Plus généralement, le mouvement milite pour l’adoption d’un statut de résident ouvrant des droits spécifiques en matière d’emplois et d’achat immobilier ou foncier. Une « ligne rouge » pour Paris, qui a écarté d’emblée toute « citoyenneté à deux vitesses » du processus de Beauvau, tout comme la reconnaissance du peuple corse et l’adoption de la langue corse. « Ce qui a été négocié à Beauvau, ce n’est même pas une autonomie, c’est une simple décentralisation » , cingle Petr’Anto Tomasi à l’attention des promoteurs locaux du projet d’autonomie. […]

En clôture des Journées de Corte, dimanche soir, trois membres du FLNC, cagoulés de noir et armés de pistolets, sont venus rappeler devant les quelque 400 personnes présentes, qui les ont applaudis à tout rompre, que la violence peut ressurgir à tout moment en Corse.

« Chez nous, aujourd’hui comme hier, l’extrême droite, qu’elle soit française ou qu’elle se drape dans le drapeau à tête de Maure, reste une gangrène pour le peuple corse », a mis en garde un homme masqué à la tribune, la voix brouillée par un système destiné à empêcher de reconnaître sa voix.

Le Monde

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