INFO LE FIGARO – Lors d’un entretien avec une experte psychiatre, le frère de Mohammed Mogouchkov, également mis en examen, a déploré que la préfecture n’ait «fait le travail qu’à moitié» en expulsant seulement leur père.
«Les moutons avec les moutons, les vaches avec les vaches.» Derrière cette comparaison animalière rudimentaire se cache un constat mûrement réfléchi par l’un des trois membres de la famille Mogouchkov inculpé dans l’enquête sur l’attentat d’Arras. Sélim*, 17 ans, frère de l’assaillant, a été mis en examen pour «complicité d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste» et «association de malfaiteurs terroriste criminelle», à la suite de l’assassinat de Dominique Bernard, le 13 octobre 2023.
En détention dans une prison francilienne à l’écart des autres détenus, il a été entendu par une experte psychiatre en avril dernier. Très loquace, il s’est confié sans détour sur le passage à l’acte de son frère qu’il réprouve et pour lequel il nie toute implication. Selon un rapport consulté par Le Figaro, il porte un regard implacable sur l’intégration de sa famille en France depuis 16 ans. S’il ne «déteste pas la France», Sélim avoue ne pas être en accord avec les valeurs du pays, en particulier la laïcité. «On aurait dû partir, on n’avait rien à faire en France», tranche-t-il devant la psychiatre. (…)
Pour lui, sa famille aurait dû quitter le territoire depuis de nombreuses années. Originaires d’Ingouchie, les Mogouchkov ont toujours baigné dans le fondamentalisme islamiste. Le père Iakoub a combattu lors des affrontements russo-tchétchènes puis fui son pays, accusé par les autorités russes d’avoir préparé un attentat. Après un passage en Pologne où naît Sélim, puis en Belgique, la famille s’installe en France en 2008. Aussitôt, les services spécialisés délivrent à l’insu du père une fiche S. Ce dernier tente d’obtenir le statut de réfugié en vain et en 2014, les Mogouchkov sont sous le coup d’une procédure d’expulsion. Celle-ci échoue sous la pression d’associations locales, soutenue par le cabinet de Manuel Valls alors ministre de l’Intérieur.
S’ils ne sont pas expulsés, la situation administrative des parents, sous OQTF et sans papier, ne leur permet pas non plus de travailler. La famille vit avec les dons du Resto du coeur, changeant constamment d’appartements. À ses yeux, «ce n’est pas très cohérent» d’imposer cette condition précaire sans procéder à une expulsion. «Quinze ans en France, quinze ans d’OQTF», résume-t-il à propos de ses parents. Observateur attentif de l’actualité, Sélim constate que les OQTF sont, depuis l’attentat d’Arras, mieux appliquées en France et juge que «c’est ce qui protège votre pays».
En septembre 2018, le patriarche est finalement expulsé du territoire, tandis que les autres membres de la famille restent en France. Certains enfants sont alors inexpulsables car arrivés sur le territoire avant leurs 13 ans et sans antécédent judiciaire. Cette situation est aujourd’hui dénoncée par l’un des principaux intéressés. Aux yeux de Sélim, la préfecture «a fait le travail à moitié.» «Il aurait fallu faire partir toute la famille.» Le départ du père a favorisé la radicalisation des deux grands-frères, Mosvar, condamné en avril 2023 à cinq ans de prison pour association de malfaiteurs terroriste et, en juin 2023, à 18 mois pour apologie du terrorisme. (…)
À ses yeux, la France est «avant tout un pays laïc» et s’il reconnaît la nécessité de respecter la culture du pays d’accueil, certaines valeurs sont incompatibles avec sa religion. Lors de son entrevue, il a refusé de serrer la main de la psychiatre, au motif que «ça ne fait pas partie de [s]a culture.» De même, à ses yeux, le voile est «un marqueur de pudicité obligatoire pour les femmes». Si les musulmans peuvent «côtoyer» des non-musulmans, il est préférable de «se distinguer.» (…)
«Je préfère être expulsé dans mon pays.» «On se sent mieux entre nous, donc là-bas», insiste-t-il. «C’est une évidence que si on ne veut pas de nous, il faut partir.» Selon la psychiatre, il n’existe chez l’intéressé «aucune tentative de manipulation». (…)
(Merci à Damien.)