28/09/2024
Comment avez-vous réagi en apprenant que le meurtrier présumé de Philippine était votre ancien client, Taha O. ?
ME LAURA BEAUVAIS. Ma première émotion, c’était d’abord de ressentir énormément de tristesse pour la famille et les amis de Philippine. Ce drame est horrible. J’ai ressenti également beaucoup de tristesse pour la première victime qui n’avait vraiment pas besoin de revivre le drame qu’elle a vécu et ne doit probablement pas être heureuse que son histoire soit étalée. Cela doit être violent pour elle. J’ai également éprouvé de la culpabilité parce que j’étais la seule personne extérieure avec qui Taha était en contact. J’avais eu des nouvelles de lui il y a un an et demi par l’association qui le suivait en prison. C’était quelqu’un de très seul, qui n’avait personne pour lui rendre visite, ni famille, ni amis. J’aurais pu aller le voir de temps en temps même si cela n’aurait probablement rien changé. Enfin, j’ai ressenti beaucoup de colère en voyant que le meurtre de Philippine était instrumentalisé politiquement.
Avez-vous imaginé que Taha O. puisse un jour récidiver ?
Absolument pas. Je n’arriverais pas à défendre un client si j’avais la conviction qu’il recommencerait. C’est ma conception du métier d’avocat. La dernière fois que j’ai vu Taha c’était après le verdict de la cour d’assises des mineurs de Pontoise. J’avais besoin de le voir pour savoir dans quel état d’esprit il était et comment il avait accueilli le verdict. Et j’ai eu le sentiment qu’il avait l’air d’aller mieux. Il n’était pas du tout en colère par sa condamnation. À l’audience, il a reconnu les faits de viol après avoir longtemps nié durant l’instruction. Nous avons fait un long et difficile travail ensemble vers la reconnaissance des faits et j’avais le sentiment d’une véritable prise de conscience. Ses aveux semblaient lui avoir fait du bien. Cela paraît difficile à entendre aujourd’hui mais il m’a dit qu’il avait beaucoup de projets, comme passer son baccalauréat. Il rêvait de devenir comptable.
(…)
Que pensez-vous des débats autour de la justice des mineurs et l’excuse de minorité retenue pour votre client ?
Cela me rend malade d’entendre que la justice serait laxiste dans ce domaine. Je tiens à rappeler que ce ne sont pas des juges qui ont condamné mon client mais un juré populaire composé de citoyens comme vous et moi.
(…)
Pour vous, il n’y a donc pas de faillite judiciaire ou administrative dans le parcours de votre client ?
Je suis hallucinée qu’on ne parle que du fait que Taha était étranger alors qu’on sait pertinemment que des viols, il y en a pléthore qui sont commis par des Français. Le sujet aujourd’hui c’est de savoir comment on aurait pu l’expulser. Mais quel est le message ? Qu’il aille violer une femme au Maroc ? C’est risible d’entendre qu’on va changer les lois sur les OQTF (obligation de quitter le territoire français prononcée contre Taha O. après sa sortie de prison) alors que leur application dépend des accords avec les pays concernés.
Quel était le parcours de Taha O. avant son arrestation pour le viol de 2019 ?
Taha a connu une enfance particulièrement chaotique. Au Maroc, il a vécu des choses extrêmement dures : il a vécu avec un copain dans un parking et il y a une histoire étrange autour de ses origines. On lui a toujours dit depuis petit que sa mère était morte dans son sommeil. Mais lorsqu’il était incarcéré à Nanterre, une femme s’est signalée comme étant sa génitrice, sans que cela ait pu être vérifié. Elle n’a jamais obtenu les autorisations de visite et n’a plus donné de nouvelles ensuite. Ensuite, à l’adolescence, le père de Taha l’a emmené en Espagne en lui disant qu’il s’agissait d’un voyage. En réalité, il l’a littéralement abandonné dans la rue, dans ce pays qu’il ne connaissait pas, pour partir refaire sa vie avec une femme en Allemagne. Il pensait que Taha s’en sortirait mieux tout seul en Espagne qu’au Maroc.
Mais votre client a fini par rejoindre la France…
Très vite. Pour de nombreux mineurs isolés, et j’en représente beaucoup, la France est un fantasme, un leurre. (…)
(Merci à Géraldine.)
27/09/2024
Une victime héroïque, un violeur aux propos énigmatiques… Des documents d’enquête révèlent comment la première victime du jeune Marocain a échappé à la mort après une agression sauvage de 90 minutes en 2019 dans la forêt de Taverny (Val-d’Oise).
(…) « Toi cœur blanc, moi cœur noir ». Ce sont les mots prononcés par Taha O. à Juliette (le prénom a été changé) après l’avoir violée le 31 août 2019 dans la forêt de Taverny (Val-d’Oise). Une affaire qui vaudra au futur meurtrier présumé de Philippine, alors âgé de 17 ans, d’être condamné par la cour d’assises des mineurs de Pontoise à sept ans de prison. Selon des documents d’enquête auxquels nous avons eu accès, cette première victime du jeune Marocain a fait preuve d’un sang-froid et d’un courage exceptionnels qui lui ont probablement sauvé la vie au terme d’un calvaire d’une heure et demie. (…)
Ce samedi-là, Juliette part se promener dans cette forêt de Taverny qu’elle a l’habitude d’arpenter pour se changer les idées. Elle vient de passer l’après-midi à rédiger son mémoire de master. Alors qu’elle marche sur un sentier, casque de musique aux oreilles, elle est surprise par le jeune homme, qu’elle n’a pas entendu, derrière son dos. Aussitôt celui-ci lui plaque la main sur le visage pour l’empêcher de crier et la conduit de force dans la forêt. À l’abri des regards, son agresseur qu’elle décrit vêtu d’un cache-cou, exige une fellation, ce qu’elle refuse de toutes ses forces. Malgré sa résistance, Taha O. parvient à lui baisser son short et lui imposer une pénétration digitale avant de la plaquer dos au sol.
En se débattant, Juliette réussit à déchirer le tee-shirt de son bourreau qui finit par se saisir d’un bâton qu’il lui colle sous la gorge. « Arrête de bouger ou je te tue », menace le violeur. Pendant des minutes interminables, Taha O. tente de lui imposer une pénétration pénienne. Il n’y parvient pas. « Deux minutes, deux minutes », répète-t-il. La victime trouve alors la force de lui rétorquer que son supplice est trop long. « Deux minutes pakistanaises », embraye alors Taha O. dans une formule pour le moins déplacée au vu des circonstances.
« J’ai eu peur pour ma vie quand il m’a saisi par derrière en bloquant ma respiration, confiera la victime aux enquêteurs de la sûreté départementale du Val-d’Oise. Mais sur la fin, j’ai senti qu’il était moins violent et j’ai parlé avec lui pour le calmer ». Juliette trouve un stratagème pour abréger son calvaire. (…)
Juliette lui lâche alors : « Ce n’est pas bien ce que tu as fait ». D’où les mots étranges de Taha O. à son égard : « Cœur blanc ». Le jeune Marocain insiste pour obtenir le numéro de téléphone de sa victime. Ce qu’elle consent à lui donner, sentant que cet indice sera capital pour les policiers pour l’identifier et l’interpeller. Taha O. s’évanouit ensuite. Le jour même, Juliette dépose plainte en compagnie de sa mère. (…)
C’est à partir de la géolocalisation en temps réel de ce numéro que les policiers parviennent à isoler un foyer sur Taverny, géré par la Croix Rouge : le « Lao », situé à proximité du sentier où le viol a eu lieu. (…)
Son colocataire est entendu par les enquêteurs. Son témoignage permet de cerner la personnalité inquiétante de Taha O. Manipulateur, le suspect confie à son camarade de chambre que lors d’une promenade en forêt il a croisé une fille qu’il a prise pour une prostituée et que celle-ci a insisté pour faire l’amour. (…)
En garde à vue, le suspect livre la même version mensongère aux policiers. (…) Poussant plus loin la duplicité, il va jusqu’à déclarer avoir refusé un rapport sexuel, ce qui aurait provoqué la colère de l’étudiante qui lui aurait « mal parlé ». Se disant innocent, il exige d’être remis en liberté. (…)
Taha O. finit par passer aux aveux lors de son procès qui se tient à huis clos en mars 2022. Il reconnaît le viol mais se dit incapable de se souvenir des circonstances. Un expert psychiatre qui l’a examiné durant l’enquête avait conclu à « l’absence de troubles psychiques ou d’immaturité » et prôné une injonction de soins. La cour d’assises n’a pas prononcé de suivi complémentaire en plus de la peine de prison. (…)
(Merci à Géraldine.)
25/09/2024
TÉMOIGNAGE EXCLUSIF – Peu après son arrivée en France, Taha O. a agressé une jeune femme à Taverny. Frédéric Lauze, ancien chef de la police du Val-d’Oise qui a suivi l’enquête, se confie au Figaro. (…)
Cette année-là de 2019, durant un week-end de fin d’été, le meurtrier présumé de Philippine, Taha O., avait violé une étudiante de 23 ans sur un chemin forestier à Taverny (Val-d’Oise), non loin du foyer où il résidait. Ce Marocain était arrivé régulièrement en France depuis l’Espagne le 13 juin 2019, muni d’un visa touristique qui expirait le 27 juillet. Alors âgé de 17 ans, il avait ensuite été pris en charge par les services départementaux de l’aide sociale à l’enfance (ASE) du Val-d’Oise.
Le viol de Taverny a marqué Frédéric Lauze. «Je suis descendu à l’étage des enquêteurs pour rencontrer la victime et sa mère», se souvient-il. «On avait un individu qui était un prédateur sexuel très dangereux», décrit le commissaire à propos de Taha O.
Le jour des faits, la victime était partie se promener en forêt avant de croiser la route de Taha O. Après le viol, la jeune fille avait réussi à instaurer un dialogue avec son agresseur en le «rassurant». Elle lui avait notamment fait croire qu’ils allaient se revoir avant de partir, selon des sources concordantes. Une lucidité, malgré une peur immense, qui lui a sans doute permis de rester en vie. «Après le viol, la jeune victime a eu la sensation qu’elle pouvait mourir. Elle a eu l’impression de sauver sa peau seconde par seconde. Elle a réussi à “gérer sa sortie” pour échapper à l’emprise de ce prédateur», explique Frédéric Lauze. (…)
Le commissaire dit avoir été «en colère» et «ému» quand il a fait le rapprochement avec le meurtre de Philippine. Frédéric Lauze tient à saluer le «travail remarquable» de la brigade criminelle de Paris avec «une réactivité et une capacité à mobiliser de nombreux enquêteurs». «Ils ont réussi à le localiser en un temps record grâce une bonne coopération internationale», analyse-t-il.
Comme la jeune fille violée en 2019, Philippine était semble-t-il partie se promener dans la nature après sa pause déjeuner à l’université Paris Dauphine (…)
Philippine a-t-elle fait une mauvaise rencontre, en l’occurrence celle de Taha O., dans cette partie du bois peu fréquentée en bordure du boulevard périphérique ? C’est la terrible hypothèse qui se dessine. Une information judiciaire a été ouverte à l’encontre du suspect pour meurtre, accompagné ou suivi d’un autre crime, viol, vol et escroquerie.