On aurait tendance à imaginer que pour dénoncer des situations profondément inégalitaires, et l’atteinte à la dignité, comme l’esclavage, des œuvres propres à choquer seront efficaces. C’était le but du camp abolitionniste, au XIXe siècle, qui est à l’origine de bon nombre d’œuvres et d’artefacts aujourd’hui conservés dans les musées français, et qui avait constitué ces collections dans un but de plaidoyer anti-esclavagiste.
Alors qu’en fait…
… ce que montrent aujourd’hui les chercheurs et les chercheuses qui travaillent sur les représentations de l’esclavage, c’est que la violence inhérente à ces œuvres, et aux scènes mises en évidence est en réalité une partie du problème.
…
Mais dès lors qu’on fait intervenir des subjectivités qui sont portées par des artistes ou des auteurs qui, par leur rapport à l’expérience de l’esclavage plus ou moins direct, et par la façon dont ils sont eux mêmes interpellés, vont produire des œuvres, des représentations qui, cette fois, laissent toute la place à la subjectivité et au sujet pris dans ce qui est saisi dans cette violence esclavagiste. C’est ce qui brise ce biais qui consistait jusque-là, sous prétexte de dénoncer, à reconduire l’objectivation des esclaves. C’est en ce sens que travaillent notamment les musées qui associent dorénavant les artistes contemporains, à l’instar de Gaëlle Choisne, lauréate du Prix Marcel Duchamp 2024, et d’autres.