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Bertrand Chamoulaud, qui dirige la direction nationale du renseignement territorial, s’inquiète, dans un entretien au « Monde », des conséquences du conflit israélo-palestinien en France, de l’entrisme des Frères musulmans et de l’influence délétère du narcotrafic.

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Quelle frange de l’islamisme mobilise votre attention en France ? Les Frères musulmans, les salafistes ?

Sur le long terme, ceux qui nous inquiètent le plus sont les Frères musulmans. Le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau [démissionnaire depuis le 5 décembre], avait d’ailleurs évoqué l’islam politique comme menace majeure. Toutes ces dernières années, les services de renseignement et les forces de sécurité ont concentré leur attention sur la menace terroriste. Celle-ci reste bien sûr élevée. Cependant, au-delà de cette menace directe, nous avons continué à détecter et à agir sur le territoire national à l’encontre de tous les groupes qui veulent porter atteinte aux principes et aux valeurs de la République.

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Quels sont les vecteurs de l’influence des Frères musulmans aujourd’hui ?

Le principal représentant de la mouvance est l’organisation Musulmans de France, qui regroupe des associations et des lieux de culte proches des Frères musulmans. Parmi eux, on y trouve l’imam Hassan Iquioussen, qui a été expulsé [en 2022] après des propos antisémites et misogynes. Il y a également l’IESH, l’institut de formation des imams dans la Nièvre : ce sont des gens très accueillants, en règle avec les normes réglementaires, mais leurs enseignements ne sont pas compatibles avec les principes de la République consacrés par la loi de 2021, notamment sur l’antisémitisme ou sur la place de la femme dans la société.

Cela nous préoccupe, car leur entrisme touche tous les milieux : le sport, la santé, l’éducation, etc. Et, lorsque l’Etat veut rappeler les règles de la République en expulsant des imams, en gelant des avoirs ou en fermant des mosquées, vous entendez des voix qui fustigent l’islamophobie. Un terme d’ailleurs inventé par les Frères musulmans et revendiqué par le Collectif contre l’islamophobie en France [CCIF]. Le collectif a été dissous en 2020, car il assimilait la lutte contre le terrorisme à un combat contre la religion musulmane. Le risque est que certains musulmans modérés adhèrent à ce discours victimaire, en particulier parmi les 100 000 fidèles qui fréquentent des mosquées tenues par les Frères musulmans.

Plusieurs types de structures représentent une menace, avec des finalités différentes. Si le courant salafiste tente d’imposer une vision rigoriste des règles de vie, les défenseurs du courant frériste ont un projet plus construit. La lutte contre les Frères musulmans est plus délicate car ils diffusent leurs idées par l’entrisme et au moyen d’un discours très lisse. Ce courant ne préconise pas le recours à la violence pour parvenir à ses fins, mais la finalité est très claire : faire à terme de la France et de l’Europe un califat en imposant la charia.

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Quel est l’effet du narcotrafic sur le tissu social ?

Le premier effet, c’est qu’il crée une économie parallèle. Vous avez des gens qui gagnent de l’argent, ne payent pas d’impôts et sont hors des circuits économiques officiels.

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L’autre risque, c’est l’atteinte à la cohésion nationale. Vous avez un risque croissant de corruption, que ce soit des élus, des fonctionnaires ou de la justice. Cela entraîne des distorsions dans de nombreux domaines. Aujourd’hui, les deux risques majeurs pour la cohésion nationale sont le narcotrafic et le séparatisme islamiste.

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L’ultradroite profite-t-elle de ce contexte anxiogène ?

C’est une mouvance de 1 500 à 2 000 personnes, qui profite des faits divers comme le meurtre de Thomas Perotto à Crépol [dans la Drôme, en novembre 2023], l’assassinat de Philippine Le Noir de Carlan au bois de Boulogne [à Paris, en septembre] ou encore l’attaque au couteau d’Annecy [en juin 2023]. Elle a créé une expression qui prospère : le « francocide », qui relie directement immigration et insécurité. On observe aussi l’émergence de jeunes femmes dans cette mouvance, notamment à travers le collectif Némésis.

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Où en est l’ultragauche ?

Elle est un peu plus développée que l’ultradroite. L’ultragauche tourne autour de 3 000 à 3 500 personnes, mouvance écologique radicale comprise. Elle veut de même occuper le terrain (…) Leur opposition profonde à l’Etat et au capitalisme est dissimulée dans des causes diverses : soutien à la Palestine, défense de l’environnement, abolition de la prison, oppositions aux réseaux de communication, d’énergie et de transport. Ce sont des groupes qui rejettent les voies d’expression démocratique et qui légitiment les violences contre les biens et les personnes.

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Quel est l’effet de long terme des émeutes de juin-juillet 2023 ?

C’était un phénomène très soudain, rapide et violent. Rien ne laissait présager l’ampleur de ce qui allait se passer. Même pour les élus, ç’a été un choc : ils n’avaient pas de signes avant-coureurs. Ce qui a changé par rapport à 2005, ce sont les images du fait initial, la mort de Nahel à Nanterre

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Le Monde

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