Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 20 septembre 2024, M. B A, représenté par Me Bouba, doit être regardé comme demandant au tribunal :
1°) d’annuler l’arrêté du 12 septembre 2024 du préfet de l’Aisne, en tant qu’il l’a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de quatre ans ;
2°) d’enjoindre au préfet de l’Aisne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) à défaut, d’enjoindre au préfet de l’Aisne de procéder au réexamen de sa situation sous les mêmes conditions de délai et d’astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 800 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
— elle a été signée par une autorité incompétente ;
— elle ne satisfait pas à l’exigence de motivation ;
— elle méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
— elle a été signée par une autorité incompétente ;
— elle est insuffisamment motivée ;
— elle est illégale par exception d’illégalité de l’obligation de quitter le territoire français ;
— elle méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 octobre 2024, le préfet de l’Aisne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu’aucun des moyens de la requête n’est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
— le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.
Par ordonnance du 3 octobre 2024, la clôture d’instruction a été fixée au 3 novembre 2024 à 12h00.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
— le rapport de M. Truy, premier conseiller honoraire,
— et les observations de Me Bouba, pour M. A.
Considérant ce qui suit :
1. M. A, ressortissant camerounais, né le 29 novembre 2003, déclare être entré pour la première fois en France le 12 août 2013. Le 30 mars 2023, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 12 septembre 2024, le préfet de l’Aisne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d’éloignement et a assorti ces décisions d’une interdiction de retour de quatre ans. Dans le cadre de la présente instance, M. A doit être regardé comme demandant au tribunal d’annuler cet arrêté en tant qu’il l’a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de quatre ans.
Sur les conclusions aux fins d’annulation :
En ce qui concerne les moyens communs aux deux décisions attaquées :
2. En premier lieu, l’arrêté attaqué a été signé par M. Alain Ngouoto, secrétaire général de la préfecture de l’Aisne, qui a reçu à cet effet une délégation de signature du préfet de l’Aisne par arrêté du 2 juillet 2024, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour. Par suite, le moyen tiré de l’incompétence du signataire de l’arrêté attaqué doit être écarté.
3. En deuxième lieu, l’arrêté litigieux, qui vise les textes dont il est fait application, expose de manière suffisamment précise les éléments de fait relatifs à la situation personnelle et familiale de M. A. Il comporte donc les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, de sorte que le moyen tiré de l’insuffisance de motivation doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : ” 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d’autrui “.
- 5. M. A se prévaut de son intégration en France et de la stabilité de ses liens avec les membres de sa famille établis sur le territoire français, dont certains sont de nationalité française. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l’intéressé est célibataire et sans enfant, et qu’il ne justifie pas exercer une activité professionnelle ou suivre une formation à la date de l’arrêté attaqué.
- En outre, il ressort du casier judiciaire de M. A qu’il a fait l’objet, le 5 mars 2024, d’une condamnation pour conduite d’un véhicule sous l’emprise de stupéfiants, le 10 août 2023 pour offre ou cession non autorisée de stupéfiants, et qu’il ne conteste pas la matérialité des faits relatifs à une détention de cannabis, outre deux agressions sexuelles, une non-assistance à personne en danger, plusieurs faits d’usage illicite de stupéfiants et d’occupation d’un espace commun d’immeubles.
Dans ces conditions, le préfet de l’Aisne n’a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n’a ainsi pas méconnu les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de l’exception d’illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
7. En second lieu, compte tenu de ce qui a été exposé plus haut, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision faisant interdiction à M. A de retour sur le territoire français pour une durée de quatre ans serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
8. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation de M. A doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d’injonction et celles présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B A et à la préfète de l’Aisne.
Délibéré après l’audience du 6 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Lebdiri, président,
M. Truy, premier conseiller honoraire,
M. Richard, conseiller.
Rendu public par mise à disposition le 16 janvier 2025.
Le rapporteur,
Signé
G. Truy
Le président,
Signé
S. Lebdiri La greffière,
Signé
Z. Aguentil
La République mande et ordonne à la préfète de l’Aisne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.