La commission d’enquête sénatoriale qui a dépeint une France “submergée par le narcotrafic”, fruit de la “démocratisation” de la cocaïne et ses corollaires, la corruption et la violence (85 morts en France en 2023), débouche sur une proposition de loi de lutte contre ce phénomène. Il touche désormais 8 communes sur 10 en France et la ruralité n’est plus épargnée. Le trafic de stupéfiants s’est installé en zone rurale, livrant à domicile ou sur des parkings de cave coopérative, suscitant le désarroi des élus qui tentent de résister comme ils le peuvent.
Les communes rurales sont gangrenées par le trafic de stupéfiants qui gagne toujours plus de terrain. C’est l’un des enseignements de la mission d’enquête sénatoriale qui a pris le pouls de l’hexagone l’année dernière et son travail se prolonge dans l’hémicycle, à partir du 28 janvier, avec une proposition de loi visant à “sortir la France du piège du narcotrafic.”
“D’année en année, on voit le périmètre s’étendre” confirme Lauriane Josendre, sénatrice LR des P-O, citant les ramifications jusque dans les coins reculés du Conflant.
“D’année en année, on voit le périmètre s’étendre”
Les dealers ont désormais implanté des points de vente sur les routes départementales : “on les a découverts sur les parkings des caves coopératives ou des grandes enseignes : des lieux où il n’y a plus personne le soir et de la place pour stationner, un peu à l’écart. Les consommateurs y font un crochet comme d’autres vont chercher leur baguette de pain”, décrit le sénateur PS de l’Hérault Hussein Bourgi.
Les points de deal, en baisse dans les grandes villes, se déconcentrent, le petit commerce va au consommateur qui en est d’autant plus rassuré… C’est la conséquence de “l’ubérisation du deal”, née pendant le Covid où les amateurs se faisaient livrer la drogue, y compris dans les villages. Cette pratique a perduré.
“Les narcotrafiquants se mettent au vert”
À ce phénomène, se greffent des explications opportunistes : “les narcotrafiquants s’installent aussi dans les milieux ruraux pour se mettre au vert, ça leur sert d’arrière base et lieu de stockage. Ils savent que, comme nous, la gendarmerie ne peut pas être partout” complète cet enquêteur de l’Ofast (l’Office anti-stupéfiants) et spécialisé de l’Occitanie.
Le business du trafic de cannabis et de cocaïne
Les sommes issues du commerce de stupéfiants sont estimées pour la France entre 3,5 et 6 milliards d’euros par an, dont 80 % pour le cannabis et à la cocaïne. Pour la coke, 44,8 tonnes ont été saisies au 30 septembre 2024, contre 23,2 t pour 2023) Des chiffres à corréler avec le nombre supposé de fumeurs de cannabis, 4 à 5 millions et d’usagers de coke, plus d’un million.
“À Marseille, la DZ Mafia a recruté des jobbeurs (personnes qui travaillent sur les points de deal NDLR) venus de toute la France, puis ces anciens guetteurs ou revendeurs sont montés en grade et sont retournés chez eux pour étendre le réseau, fournis en drogues par la DZ” ajoute un autre policier spécialisé.
À Vauvert (Gard) par exemple, la commandante de compagnie a carrément créé le VIAS (Vauvert intervention anti stupéfiants) avec sept gendarmes dédiés au démantèlement des points de deal. Pour 2024, pas moins de huit “fours” ont été stoppés sur des communes de petite Camargue, Aimargues ou le Grau-du-Roi. “On n’a jamais été autant sur le terrain, on se structure, mais c’est très chronophage” indique un officier de la gendarmerie qui pointe ce que tout le monde dit : sans moyens humains et matériels, la guerre ne peut pas être gagnée.
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