Ce pourrait être le signe d’un sursaut. Fin 2024, avant Noël, les géants suédois du secteur du livre – les librairies indépendantes sont rares dans le pays nordique – ont constaté une hausse de 10 à 15 % des ventes de livres pour enfants et adolescents. Pour eux, une seule explication : les parents auraient enfin pris la mesure de la gravité de la « crise de la lecture » discutée en Suède depuis plusieurs années et passée tout en haut de l’agenda politique après que des professeurs d’université ont tiré la sonnette d’alarme. Le gouvernement de droite, soutenu par les Démocrates de Suède, a annoncé une série de mesures.
Ils sont nombreux à le constater : leurs élèves, pourtant parmi les meilleurs d’Europe, ont de plus en plus de difficultés à lire des textes longs ou à écrire correctement en suédois. « J’ai actuellement 55 étudiants en cours d’histoire de la littérature et nombre d’entre eux disent qu’ils ont beaucoup de mal à assimiler les textes de cours » , témoignait, dans le journal régional Sydsvenskan, le 10 novembre 2024, Elisabeth Friis, professeur associée de littérature ancienne à l’Université de Lund. « C’est tragique car ces étudiants devraient être très doués pour lire de longs livres » , ajoutait-elle. […]
Le 10 décembre 2024, le ministre de l’éducation et leader du parti libéral, Johan Pehrson, a convoqué des représentants des universités, des organisations étudiantes et de l’agence nationale de l’éducation pour discuter de cette « crise de la lecture » , jusque-là observée dans le primaire et le secondaire, et qui commence à affecter l’enseignement supérieur. […]
L’école est également pointée du doigt. Les méthodes d’enseignement de la lecture, d’abord, qui peuvent varier d’un enseignant ou d’un établissement à l’autre. Le manque de moyen, ensuite, pour gérer des enfants dont certains, qui parlent une autre langue à la maison, arrivent en primaire sans maîtriser le suédois. Des lacunes qu’ils vont traîner pendant toute leur scolarité – le redoublement n’existe pas en Suède. […]
Mise en cause aussi, la digitalisation de l’enseignement menée à marche forcée sans prendre toujours le temps de former les enseignants ou de réfléchir à ses applications. La Suède est d’ailleurs en train de faire marche arrière. […]